L’univers solaire de Madeleine Gross mêle photographie et peinture

L’univers solaire de Madeleine Gross mêle photographie et peinture

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le , modifié le

En associant peinture et photographie, l’artiste Madeleine Gross brouille les frontières entre les genres, toujours avec une touche colorée et délicate.

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L’artiste Madeleine Gross, qui pour son travail s’appuie aussi bien sur ses photos de famille que sur celles tirées de ses voyages, propose une approche créative esthétique et abstraite. Cette femme talentueuse, à la croisée des genres entre photographie et peinture, considère une photo comme une toile. Son univers empreint de soul et de délicatesse livre une vision joyeuse du monde et du souvenir. Et ses œuvres, qui mélangent ainsi nostalgie et expérience, témoignent du regard positif qu’elle porte sur ce qui l’entoure.

La plupart des voyages de Madeleine se retrouvent métamorphosés par des touches de peinture vibrantes, qu’elle applique en prenant de la distance et en ressentant son art. Elle  souhaite ainsi offrir une nouvelle lecture à une photographie et la sublimer, la faire vivre différemment de toutes les autres photos. Au cours d’un entretien, elle nous a parlé des origines de ce projet à la fois photographique et pictural.

Cheese | Est-ce que tu peux te présenter ? Comment as-tu commencé la photographie ? 

Madeleine Gross : Salut ! Je m’appelle Madeleine Gross et je suis une artiste mixed media basée à Toronto. J’ai commencé la photographie grâce à mon père, qui était critique de musique rock et photographe pour le journal Toronto Sun dans les années 1970 et 1980 et m’a beaucoup encouragée. Il m’a appris les bases de la photographie comme la règle des trois, les notions de composition, etc. J’ai ensuite étudié la photographie au Ontario College of Art & Design, à Toronto.

Comment définirais-tu ton travail ?

En quelques adjectifs : réfléchissant, lumineux et brillant, parfois abstrait. Je veux que mes œuvres touchent la corde sensible des gens, de manière positive. Je pense qu’on voit assez d’images sombres tous les jours, et qu’on a besoin de voir des choses qui nous rappellent un beau souvenir ou des moments joyeux.

Peux-tu nous citer tes références et tes inspirations ? 

Je m’inspire essentiellement de la nature et de la lumière. Après avoir immortalisé en images une nouvelle destination, j’essaye de créer des textures et de renforcer le mouvement. Si c’est une image de plage, j’essaye d’imiter les vagues de l’océan ou la sensation de cette brise fraîche sur le visage. Pour les clichés de ma série Ski, j’ai pris des tonnes de photos des traces laissées par les skieurs pour ensuite les imiter dans mes coups de pinceaux.

La musique est aussi une grande source d’inspiration pour moi. Quand je travaille, je n’écoute quasiment que de la soul des années 1960 et 1970 et de la Motown. Cela me donne du rythme.

Quel est le moment que tu préfères dans la création d’un projet ?

Après avoir ajouté quelques touches de peinture, je prends du recul et je contemple mon travail en l’abordant sous une autre perspective. C’est ce moment que je préfère. Je pense à mon prochain mouvement, parce que lorsque je ne fais pas de pause, je me retrouve souvent à trop peindre sur la photo. La plupart du temps, je pense que less is more, surtout quand ta toile est déjà une très belle image.

Parles-nous de ton travail. Est-ce que tu travailles à partir de tes propres photos ou de photographies que tu trouves ? 

Toutes les photographies sont les miennes. La plupart ont été prises pendant mes vacances et lors de mes voyages. Je suis toujours inspirée par les nouveaux lieux. J’ai aussi réalisé une série en utilisant de vieux portraits de famille, que j’aimerais poursuivre. En dehors de ça, je suis l’auteure de tous les clichés sur lesquels je travaille. Les gens me demandent souvent pourquoi je n’utilise pas des images d’autres personnes, mais cela ne me semble juste pas très correct. Je trouve ça bizarre de peindre sur l’expérience ressentie par quelqu’un d’autre.

Désormais, j’organise mes voyages selon mes œuvres, je choisis mes destinations en me demandant si elles seraient belles à photographier ou à peindre. Quand je peins, je réfléchis à la scène et à l’expérience que j’ai vécues dans ce lieu et ensuite, j’utilise de la peinture pour recréer ce superbe sentiment, par exemple mon état d’esprit quand j’étais aux Bahamas, à Miami, à Aspen, dans le parc national de Joshua Tree, etc. Je veux livrer au spectateur mon expérience viscérale.

Tu as commencé avec la peinture ?

J’ai commencé avec le dessin et la peinture. Quand j’étais petite, ma mère recouvrait les murs de la cuisine avec mes peintures comme si c’était une exposition dans une galerie. Et chaque semaine, elle changeait les œuvres exposées avec des nouvelles que j’avais faites. J’ai continué à beaucoup peindre durant mon adolescence, jusqu’à l’université où je me suis consacrée entièrement à la photographie.

Qu’est-ce que tu préfères peindre ? Et comment décides-tu des couleurs que tu appliques sur tes images ? 

Je peignais beaucoup de portraits de mes amis et de ma famille. J’ai expérimenté des tonnes de techniques et de styles différents jusqu’à trouver ma voie vers ce que je fais actuellement. Je continue d’apprécier le dessin figuratif. Concernant mes couleurs, je me demande toujours comment chacune va refléter une tonalité ou une humeur et comment ces couleurs influencent mon propre état d’esprit. La plupart de mes sujets sont des mises en scène joyeuses, donc j’aime utiliser une palette de couleurs chaudes et lumineuses. Parfois, j’assemble les mêmes nuances de bleu que le ciel qu’on peut voir sur l’image ou alors j’aime aussi faire l’opposé, c’est-à-dire contraster totalement la photographie avec une autre palette de couleurs.

Selon toi, qu’est-ce que ces coups de pinceaux apportent aux paysages et aux photographies ? Qu’est-ce que tu veux montrer ? Vois-tu une certaine philosophie derrière ce geste ?

Je trouve que la peinture abstraite ajoute vraiment un nouvel élément à la photographie. Sans ça, mon cliché ne serait qu’une photo simple et jolie comme une autre. Même si je suis l’auteure des clichés et que je livre ma propre expérience et perspective, je trouve que la peinture permet au spectateur de s’identifier davantage et que cela retire l’aspect intime et personnel de la photo. Mes touches de peinture mettent au deuxième plan la scène et rendent l’image plus expressive. La peinture l’enjolive et ajoute en profondeur et en émotion. Elle crée une nouvelle narration, et ce même si l’image n’a que quelques touches de peinture ajoutées. Je veux effacer le paysage sans destituer le réalisme et en conservant l’art représentatif.

Que penses-tu de toutes ces applications dédiées à la photographie (Instagram, VSCO,etc.) ? Est-ce qu’elles dénaturent l’art photographique selon toi, ou sont-elles une bonne chose ? Comment utilises-tu les réseaux sociaux pour ta pratique artistique ?

Instagram est une plateforme puissante pour les artistes ; c’est une superbe manière de promouvoir son art. J’utilise les réseaux sociaux pour mon travail mais j’aime aussi y montrer les coulisses de mon travail et ma vie personnelle. Concernant les applications de retouche photo, je n’ai rien contre mais je préfère tout de même les photos naturelles. Je n’utilise pas souvent de filtres, mais je vois beaucoup de belles images réalisées avec les filtres de VSCO. C’est sympa de voir tant de personnes inspirées par la photographie et le pouvoir d’une image.

Quels conseils donnerais-tu aux personnes qui aimeraient se lancer dans la photographie et aux jeunes photographes ?

Je leur conseillerais de toujours partager leur propre point de vue, leur propre perspective à travers l’objectif. Je leur dirais qu’il faut toujours s’approprier l’image avec sa touche personnelle et son éclat créatif, mais aussi qu’il ne faut pas trop penser et prévoir sa photo. L’école d’art m’a trop fait intellectualiser mon travail, et j’aurais aimé être plus libre avec mon art quand j’étais étudiante. Un enseignement artistique est toujours bon à prendre, mais pas forcément nécessaire pour faire carrière dans l’art ou la photographie. C’est mieux, de manière générale, de travailler son art. Plus vous pratiquez la photographie, meilleur vous deviendrez. Prenez votre caméra tous les jours et même si c’est juste un cliché capturé depuis votre fenêtre, ne vous arrêtez surtout pas de capturer des images.

Quel est le projet le plus fou que tu aimerais réaliser un jour ou que tu aurais aimé faire ?

Ce n’est pas très fou mais j’aimerais travailler sur des photographies plus grandes, d’un mètre de large par exemple. Habituée à travailler sur les formats 13 x 19 et 30 x 40, je suis souvent intimidée par les formats plus larges. Je vais donc essayer de me lancer, un jour, ce défi.

Certains artistes ont-ils récemment retenu ton attention ?

J’ai récemment vu le travail de Matthew Stone, dont je suis complètement tombée amoureuse. Et aussi celui d’Erin Loree, qui apporte un sens du mouvement très beau dans ses touches de peinture abstraites.

Des projets à venir ?

En ce moment, je travaille sur plusieurs projets : j’honore quelques commandes et je suis en train de concevoir un skateboard. C’est un projet qui m’excite beaucoup. Je suis aussi en train d’économiser pour pouvoir me permettre un séjour au Japon. Je n’ai jamais été là-bas et je rêve d’y aller pour expérimenter la culture japonaise et créer de nouvelles œuvres. Je croise les doigts pour réaliser au plus vite ce voyage !