À l’occasion du Mois de la photo-Off à Paris, la jeune photographe britannique Holly Falconer expose jusqu’au 29 avril son projet Parade à la galerie Studios Paris. Rencontre avec une artiste féministe dont le combat est loin d’être terminé.
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Artiste inscrite dans son temps, Holly Falconer est une photographe au travail protéiforme qui s’intéresse aux combats sociaux comme à la mode. Pour son nouveau projet, Parade, elle a parcouru la Grande-Bretagne à la recherche des mouvements féministes qui secouent actuellement le royaume de Sa Majesté.
Elle a rencontré des femmes qui se battent pour l’égalité totale, des victimes de violences domestiques qui réclament justice et des transgenres en lutte contre les préjugés. Holly Falconer a photographié ces femmes, pendant les manifestations ou lors de moments plus confidentiels, avec une seule ambition : répandre leur message pour qu’il se fasse mieux entendre, mieux voir. Les quelques portraits qu’Holly Falconer a réalisés sont d’une grande force, car ils transmettent le regard de ces combattantes qui semble dire : “Regardez-nous, nous existons”. Et nous leur répondons : “Nous vous voyons, nous existons ensemble…”
Particulièrement bouleversée par les manifestations contre les violences domestiques, Holly Falconer a décidé de reverser 20 % des revenus générés par l’exposition à l’association Solidarité Femmes qui se bat contre les violences faites aux femmes. Un engagement qui fait sens avec son travail.
Cheese : Comment avez-vous commencé à faire de la photographie ?
Holly Falconer : Lorsque j’avais une vingtaine d’années, je travaillais en tant que journaliste et une partie de mon travail était en lien avec le service photo. Je me demandais souvent à quoi auraient ressemblé les photos qui me parvenaient si c’était moi qui les avais prises et j’ai finalement quitté mon travail pour avoir une réponse. J’ai été assistante quelques années tout en menant à bien mes propres projets et dès que je l’ai pu, je me suis lancée comme freelance.
Nous connaissons votre travail sur les boîtes de nuit, comment est né ce nouveau projet, Parade ?
À travers l’histoire, l’espace a toujours été majoritairement dominé par les hommes… J’ai commencé à m’intéresser aux situations inverses. Les événements que j’ai saisis pour Parade incluent des manifestations des Sisters Uncut qui œuvrent pour de meilleures aides financières aux survivantes des violences domestiques, des coureuses participant au premier marathon féminin anglais et des chanteuses membres d’un chœur composé de 70 femmes. Tous les événements que j’ai couverts n’avaient pas forcément une résonance positive – par exemple, pour devenir membre de l’une des sociétés que j’ai photographiée, il fallait se marier –, mais la majorité des événements a été inspirante.
J’ai aussi toujours voulu m’assurer que les cisgenres et intersexes, tout comme les non-binaires ou les gender fluid qui étaient aux manifestations, soient au cœur du projet. C’est une partie vraiment importante de Parade.
Est-ce que la photographie est pour vous un moyen d’illustrer le combat ou un moyen de combattre en soi ?
Les deux je pense… Photographier une manifestation est important, car cela permet au message de se répandre. Cependant ce qu’on choisit de montrer peut avoir un impact. En documentant les marginaux, leurs histoires apparaissent au grand jour et c’est une manière de se rebeller contre ceux qui sont au pouvoir, qui sont sexistes, racistes et homophobes.
Qu’est-ce qui rend le combat des femmes anglaises si important pour vous ?
Il y a encore tellement de raisons de se battre, que ce soit contre les coupes budgétaires du gouvernement pour les victimes des violences domestiques ou contre les préjugés auxquels sont confrontées quotidiennement les femmes trans. Il y a beaucoup de manifestations et de campagnes actuellement dans le pays, et je veux témoigner de tous les efforts que font ces gens pour améliorer les choses.
Certains de vos modèles sont autant hommes que femmes… Est-ce qu’être pansgenre est le chemin du futur ?
Je crois que toute l’idée de genre doit aujourd’hui être redessinée dans l’imaginaire. Elle est immanente à l’être humain, l’a toujours été, mais ce n’est que maintenant que de plus en plus de gens parviennent à être eux-mêmes et je me sens obligée de refléter cela dans mon travail.
Vous êtes aussi photographe de mode, quelle est votre relation à ce milieu ?
J’aime la photographie de mode, car je crois que, quand elle est faite intelligemment, elle peut être un moyen fascinant d’explorer et d’exprimer l’identité de l’être humain. Par exemple, dans la communauté LGBT, les vêtements ont toujours joué une part importante dans l’expression d’une identité différente.
Ne pensez-vous pas que la mode et le féminisme ont des intérêts opposés ?
Pas forcément. Certains côtés de l’industrie de la mode sont en train de changer. Il y a, par exemple, une meilleure attitude lors des castings et des photographies plus conceptuelles. Un shooting pourrait maintenant encourager la discussion plutôt que de s’en détourner.
Comment voyez-vous le combat pour le droit des femmes dans les prochaines années ?
Jusqu’à maintenant, j’ai rencontré des gens passionnés, incroyables et en colère… Eux et les autres féministes activistes vont continuer à se battre pour ce qui est juste.