En 2013, Salih Basheer quitte son Soudan natal pour Le Caire, afin de poursuivre ses études. Bien vite, l’eldorado que représentait ce nouveau lieu de vie revêt un goût amer. Il découvre en Égypte un racisme qui le fait sentir “comme un étranger, un outsider”, nous confie-t-il.
À voir aussi sur Konbini
Parti à 18 ans, le jeune homme pensait “trouver une société tolérante au Caire” mais, malheureusement, “la mégalopole égyptienne ne fait qu’amplifier son sentiment d’aliénation”, note l’Institut du monde arabe (IMA), qui organise en ce moment à Paris l’exposition “Habibi, les révolutions de l’amour” autour des identités LGBTQIA+. “C’est difficile d’être Noir·e en Égypte. Les personnes à la peau noire sont stéréotypées et étiquetées par les médias égyptiens, ce qui encourage le racisme envers les Noir·e·s dans la société égyptienne”, appuie le photographe sur son site.
© Salih Basheer
Ces “sentiments complexes” ressentis par l’artiste, sa perte de repères et d’“appartenance” et les “discriminations raciales vécues tous les jours dans les endroits publics, les transports en commun et dans la rue” font naître chez lui la nécessité de créer un projet photo sous forme de “journal intime” sur le sujet.
En 2018, sa rencontre avec une journaliste espagnole – dans le cadre d’un sujet “sur les réfugiés soudanais au Caire” – lui permet de rencontrer des personnes qui lui ressemblent. “Leurs histoires m’ont touché”, confie le photographe qui décide alors de transformer son projet très personnel en quelque chose “d’un peu plus public”.
“Mettre en lumière les luttes des réfugiés”
Parmi les témoignages récoltés, l’histoire d’Essam, jeune Soudanais gay, le marque : “Expulsé de la maison familiale, il est contraint de quitter son pays après la mort de sa grand-mère, seule membre de la famille qui lui procurait un foyer”, décrit l’IMA. “J’allais le voir chez lui, on traînait et je prenais des photos de lui quand on était ensemble”, relate Salih Basheer.
© Salih Basheer
Ses portraits à l’argentique, shootés en noir et blanc, témoignent de la solitude d’Essam. Les photographies, actuellement exposées à l’Institut du monde arabe, sont accompagnées de textes et dessins qui content ses luttes intérieures ainsi que les difficultés que lui oppose le monde extérieur.
La série de Salih Basheer The Home Seekers raconte la désillusion ; la disparition de la notion de “foyer” ; la quête acharnée et apparemment illusoire d’un espace sécuritaire. L’artiste souhaitait “mettre en lumière les luttes des réfugiés soudanais en Égypte”, mais le projet dépasse bien sûr les frontières égyptiennes. “Alors qu’Essam songeait à retourner au Soudan, sa demande d’installation en Suède a été acceptée”, rapporte Salih Basheer. Une nouvelle qui, malheureusement, ne signifie pas la fin de la lutte ni la certitude d’une stabilité enrobante.
© Salih Basheer
Vous pouvez retrouver le travail de Salih Basheer sur son site et sur son compte Instagram.
L’exposition “Habibi, les révolutions de l’amour” est à visiter à l’Institut du monde arabe, à Paris, jusqu’au 19 février 2023. Les événements organisés par le podcast Jins autour des sexualités des Arabes/Musulman·e·s sont gratuits. Ce samedi, de 11 heures à 5 heures du matin, l’IMA organise les “24 heures dédiées aux cultures queers du monde arabe”. Au programme : “atelier de danse, conversation, projection, visite guidée et soirée clubbing autour des thèmes LGBTQIA+”. “La scène voguing parisienne sera mise en lumière grâce à vingt artistes queers, gays et trans invité·e·s pour l’événement festif et culturel House of Habibi“, décrit le musée.