Ayant grandi dans le Bronx, Ricky Flores a documenté à partir de 1980 son quotidien et celui de ses amis, mais aussi les violences des quartiers.
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Ricky Flores est né dans le sud du Bronx en 1961. En 1980, alors qu’il entame sa dernière année de lycée, le jeune homme commence à photographier ses amis et son quartier. À ce moment-là, ce quartier populaire de New York vit des heures particulièrement difficiles. Alors que la culture populaire s’empare de plus en plus de l’histoire de cette époque et de la créativité qui en émergea (notamment avec des séries telles que The Get Down ou Hip-Hop Evolution), nous vous proposons de (re)découvrir les images prises sur le vif par Ricky Flores.
Dans les années 1980, le Bronx est à l’abandon. Les dirigeants de New York laissent dépérir ce quartier, principalement occupé par des communautés afro-américaines et latinos : les immeubles sont insalubres et la protection des lieux est le cadet des soucis des autorités. Frustrés par cette ségrégation socio-géographique, certains habitants font éclater leur révolte dans la rue, mais aussi à travers l’écriture et la musique, qui donneront une nouvelle forme d’art : le hip-hop.
Pendant ce temps, des incendies ravagent les habitations précaires de ces New-Yorkais. Les propriétaires des immeubles du quartier savent bien que personne ne voudra venir s’installer dans ce coin de la ville et que les habitants ne croulent pas sous l’or. Il devient clair que les bénéfices des loyers rapporteront moins que l’argent des assurances, en cas d’incendie.
“The Bronx is burning”
Lorsqu’un présentateur télé, Howard Cosell, prononce ces mots : “The Bronx is burning“, devant une école abandonnée en flammes, sans qu’aucun camion de pompier n’arrive, il qualifie parfaitement le drame que sont en train de vivre les habitants. Le Bronx est en feu, de façon littérale et métaphorique, et New York s’en fiche.
En ce sens, les images de Ricky Flores sont particulièrement intéressantes. L’histoire de ce quartier est souvent fantasmée, si bien que parfois certains oublient les tragédies qui s’y sont déroulées, ne voyant que la street cred’ de ceux qui y ont grandi. À l’époque, certains refusent de voir autre chose que la violence des lieux et les outsiders érigent le Bronx en véritable no-go zone.
A contrario, Ricky Flores nous fait entrer dans la vie quotidienne des habitants du Bronx de façon directe, à ce moment charnière des années 1980-1990. Ce qu’il documente, lui, c’est le côté “chaleureux, créatif, dynamique, persévérant et fort” du Bronx, comme le rapporte Dazed and Confused.
Dans une interview accordée à ce même site, le photographe s’étend sur son adolescence dans le Bronx, entre l’émergence de la scène hip-hop et les réalités socioculturelles de l’époque. Ricky Flores qualifie les incendies criminels d’expériences “traumatisantes laissant un impact générationnel” pour tous ceux qui les ont vécus :
“On ne peut pas détruire une communauté, particulièrement en temps de crise sanitaire (les débuts du sida à l’époque), couper les aides à la santé et éparpiller les populations sans qu’il n’y ait de conséquences. Ajoutez à cela les problématiques liées au racisme et à la pauvreté, et ce sont des générations entières de personnes qui se retrouvent touchées.”
Si les photos de Ricky Flores traduisent cette violence ressentie dans les quartiers du Bronx, elles retranscrivent aussi la créativité et l’émulation qui animaient les habitants. Le photographe a immortalisé les moments passés avec ses amis aussi bien que les tensions qui secouaient le quartier de sa jeunesse.
Puissantes, ses images en noir et blanc ne laissent rien de côté, que ce soient les instants de joie ou les moments de terreur. Ricky Flores n’a pas besoin de s’épancher sur l’histoire du Bronx par la parole, ses photographies parlent d’elles-mêmes et le monochrome ne masque pas les mille et une couleurs de l’endroit.
Vous pouvez suivre le travail de Ricky Flores sur son site personnel et sur son compte Instagram.