Qui est Francisco Pinto, l’artiste qui lutte contre le racisme au Vénézuéla ?

Qui est Francisco Pinto, l’artiste qui lutte contre le racisme au Vénézuéla ?

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Par Konbini avec AFP

Publié le , modifié le

"Le racisme et l’esclavage sont des thèmes difficiles que les gens refusent un peu."

Un smiley noir accompagné de la phrase “Aujourd’hui, nous sommes tous noirs”. Tel est le leitmotiv de Francisco Pinto, qui s’approprie des objets ou dessins populaires pour dénoncer le racisme. L’artiste vénézuélien a par exemple pris un skateboard, dont la forme ressemble à un pont de bateau, pour y apposer des figurines noires évoquant l’agencement de l’espace pour les personnes en condition d’esclavage sur les navires.

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“Je me sens un ‘cimarron’ de l’art”, affirme-t-il, arborant fièrement un T-shirt aux couleurs de Superman où il a remplacé le “S” par un “C” rouge. Un “cimarron” (ou “marron”) est une personne en condition d’esclavage qui fuit. “‘C’ comme ‘cimarron’ ou ‘caribéen’… Ça peut être les deux”, précise-t-il dans un sourire.

L’artiste dit avoir ressenti un “choc” en découvrant le musée d’art africain-américain de Caracas, où il est actuellement exposé. “Devant une pièce africaine, j’ai senti une connexion avec mes ancêtres”, raconte-t-il, revendiquant “un ADN” avec trois origines. “J’ai une arrière-grand-mère [des premières nations] mariée à un Portugais, j’ai une grand-mère [afro-descendante].”

“Élever la voix”

Grand admirateur de Jean-Michel Basquiat dont il s’est fait tatouer des dessins sur les bras, il a repris la célèbre couronne tricorne du peintre d’origine haïtienne pour lui rajouter une “flèche indigène”. “On a ainsi les Noirs et les indigènes ensemble. Comme les Cimarrons, les esclaves qui fuyaient, trouvaient refuge chez les indigènes”, dit-il. “Basquiat se sentait libre dans le monde des galeries mais quand il sortait, il sentait le racisme, la discrimination en raison de sa couleur de peau”, raconte Francisco Pinto.

Le Vénézuéla a une population diverse, résultat du métissage entre indigènes, conquistadors espagnols arrivés en 1498 et personnes en condition d’esclavage amenées dans les colonies depuis le continent africain. Au XXe siècle, le pays a aussi accueilli une immigration européenne.

“Il y a du racisme au Vénézuéla, même si ce n’est pas aussi dur qu’au Brésil ou aux États-Unis. Ce n’est pas la couleur de la peau mais on te ‘signale’ comme pauvre”, explique-t-il, à côté d’une reproduction qu’il a faite de la couverture du livre du tiers-mondiste martiniquais Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs.

Francisco Pinto, qui a un temps travaillé dans la publicité, varie les media (dessin, collage, textile etc.) et les inspirations picturales. “Je vais sur les marchés aux puces, j’achète les jouets ou les choses qui ont des stéréotypes raciaux. Je m’approprie les images en leur donnant un autre sens”, affirme le plasticien.

Une de ses œuvres est une reproduction d’un masque africain traditionnel associée à un masque-jouet représentant le visage d’un Noir, d’une phrase reprise sur une plaque de collier de romains en conditions d’esclavage et un ancien logo caricatural de l’équipe de baseball des Indians de Cleveland – qui ont changé de nom en 2022, l’ancien étant jugé offensant.

“Mon œuvre est populaire. C’est une manière d’élever la voix à travers l’art. J’apporte mon grain de sable pour les gens qu’on n’écoute pas. Le racisme, l’esclavage sont des thèmes difficiles que les gens refusent un peu”, estime l’artiste. “J’ai appris à jouer avec les appropriations, à le faire de manière divertissante”.

Francisco Pinto a notamment travaillé sur des collages avec des personnages blancs tirés de tableaux classiques européens, qu’il associe à des personnages noirs ou des premières nations transformés en héros fantastiques de dessins animés ou BD. “Je mélange l’ancien avec le futuriste. J’évoque une nouvelle race”, explique-t-il. “Ils sont humains et cyborgs. Ils peuvent affronter les obstacles et les dépasser. Ce sont des personnages héroïques.”

Konbini arts avec AFP.