Ils sont 16 photographes syriens de l’AFP à être exposés sur les murs de la chapelle de Bayeux. Leurs images sont difficiles à voir et contrastent étrangement avec la plénitude qui règne dans ce lieu de culte.
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Au-dessus des assises boisées de la chapelle de la Tapisserie de Bayeux, entre des croix chrétiennes et les faisceaux lumineux venant des vitraux colorés qui caressent la pièce, se tient une exposition collective qui retrace l’horreur vécue par les Syriens entre 2013 et 2017, des bombardements qui ont plu sur Alep aux zones de combat à Douma.
Ces photojournalistes syriens documentent ici cette guerre de l’intérieur et depuis différents angles : l’exode des Syriens, les milices des femmes kurdes, les bombardements accablant le peuple, les tragédies humaines, le travail des casques blancs, les villes devenues ruines et le combat contre l’organisation de l’État islamique. Sans fard, ils témoignent de la douleur d’une nation en faisant abstraction de la leur, car c’est leur propre pays qu’ils voient s’effondrer.
Cette guerre a commencé en 2011, cela fait maintenant six ans, et on compte aujourd’hui 330 000 morts, écrit Rana Moussaoui, une journaliste de l’AFP qui a couvert le conflit :
“Ces images ont capturé la souffrance d’une nation : des enfants en sang et sous le choc après des raids aériens, des adieux déchirants le cœur aux défunts et bien-aimés, des corps morts enveloppés, y compris les petits corps des bébés, les recherches désespérées de ceux qui sont enfouis sous les décombres et l’épuisement des civils qui vivent dans la guerre.
Ce qui a commencé comme une démonstration paisible contre le régime du président Bachar Al-Assad en mars 2011 a dégénéré en bain de sang. Au début, il s’agissait seulement des troupes loyalistes du gouvernement contre les rebelles, puis cela a fini par inclure une multitude d’acteurs régionaux et internationaux tels que les États-Unis, la Russie, l’Iran, l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar. Mélangés à cela : les djihadistes de l’organisation de l’État islamique qui terrorisaient des régions du pays et qui les contrôlaient.
La guerre a déclenché des espoirs et des peurs.”
Plusieurs regards posés sur la même horreur
Parmi les photographes exposés, on peut voir les noms de Karam Al-Masri, Ameer Alhalbi, Abd Doumany, Thaer Mohammed, Baraa Al-Halabi, Sameer Al-Doumy, Zakaria Abdelkafi, Amer Almohibany, Omar Haj Kadour, Delil Souleiman, Nazeer Al-Khatib, George Ourfalian, Mohamad Abazeed, Hamza Al-Ajweh, Youssef Karwashan et Joseph Eid. Ils sont seize. Seize Syriens ou résidant là-bas.
Chacun rapporte ce qu’il a vu, offrant un éclairage pluriel sur un unique conflit. Certaines images s’attardent sur le destin des enfants, sur la crise migratoire, sur les victimes des raids aériens ou sur le vif des combats. D’autres rendent compte des moments de pause, comme cette photo des habitants de Douma (près de Damas) qui cassent le jeûne ensemble autour d’une longue table et au milieu des ruines, ou encore cet homme jouant à Pokémon Go dans ce qu’il reste de Douma.
Autant de zooms opérés sur un même drame, à travers 38 images, “pour que le monde sache”.
“Syria : a multimedia glimpse inside the war”, exposition jusqu’au 29 octobre 2017 à la chapelle de la Tapisserie de Bayeux, dans le cadre du Prix Bayeux-Calvados, un événement annuel dédié au photojournalisme et aux correspondants de guerre.