Pourquoi l’héritière d’un tableau spolié de Pissarro renonce-t-elle à ses droits ?

Pourquoi l’héritière d’un tableau spolié de Pissarro renonce-t-elle à ses droits ?

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© Dominique Faget/AFP

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Par Konbini avec AFP

Publié le , modifié le

"J’ai pris la décision de renoncer à tous mes droits sur ce tableau. Et même de renoncer à mon titre de propriété."

L’affaire du Pissarro spolié par les nazis à ses propriétaires juifs pendant l’Occupation en France s’est achevée avec l’abandon par Léone Meyer de tous ses droits sur cette œuvre. Depuis 2016, cette peinture oppose l’héritière du tableau du maître impressionniste au musée de l’université de l’Oklahoma.

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“J’ai pris la décision de renoncer à tous mes droits sur ce tableau. Et même de renoncer à mon titre de propriété, d’y renoncer en faveur de la Fondation de l’université de l’Oklahoma”, indique Mme Meyer dans un communiqué obtenu par l’AFP. L’université américaine et Mme Meyer ont parallèlement annoncé un accord qui met fin à l’imbroglio judiciaire, opposant l’héritière spoliée du tableau et le musée de l’université de l’Oklahoma, le Fred Jones Jr. Museum of Art.

Un tribunal français devait rendre un jugement sur le fond, mais l’accord entre les parties met fin à la procédure. “Après tant d’années, je dois constater mon impossibilité à convaincre les différents intervenants auxquels je me suis adressée. J’ai été écoutée mais jamais entendue”, indique avec amertume l’héritière âgée de 81 ans.

Selon l’accord conclu entre les deux parties, le tableau La Bergère rentrant des moutons, une œuvre peinte par Camille Pissarro en 1886 et actuellement hébergée au musée d’Orsay, reviendra aux États-Unis cet été. Il retournera en France dans trois ans avant de repartir aux États-Unis pour un nouveau cycle de trois ans.

Camille Pissarro, “La Bergère rentrant des moutons”, 1886. (© Fred Jones Jr. Museum of Art)

“Mme Meyer a décidé de mettre un terme à son combat pour obtenir la restitution du tableau. La Fondation de l’université de l’Oklahoma est désormais la seule propriétaire du tableau. En ce qui concerne Mme Meyer, l’université et ses représentants sont par conséquent libres d’en faire tout usage”, indique l’avocat de Mme Meyer, maître Ron Soffer.

L’histoire d’une bataille judiciaire

L’œuvre faisait partie de la collection de Raoul Meyer et Yvonne Bader, fille du fondateur des grands magasins Galeries Lafayette. En 1940, cette famille juive pense la mettre à l’abri dans le coffre d’une banque mais, en 1941, les nazis s’en saisissent.

À la fin de la guerre, la famille récupère une partie de ses biens, mais pas La Bergère. En 1951, le tableau refait surface en Suisse avant de réapparaître à New York. Acheté par un couple de collectionneurs américains en 1957, il est légué en 2000 à la Fondation de l’université de l’Oklahoma.

En France, Mme Meyer, une rescapée de la Shoah adoptée à la fin de la guerre par le couple Meyer/Bader, souhaite récupérer le tableau spolié à ses parents. En 2012, grâce à Internet, elle retrouve la trace du Pissarro et, en 2016, elle conclut un accord avec l’université de l’Oklahoma.

L’accord prévoyait notamment que l’héritière lègue la toile, de son vivant, à un établissement d’art s’engageant à assurer une rotation perpétuelle du tableau entre la France et les États-Unis. Le musée d’Orsay a refusé le don, inquiet du coût de tels allers-retours et des dommages que cela pourrait causer au tableau. C’est pour casser cet accord trop contraignant que Mme Meyer s’était lancée dans une bataille judiciaire.

Avec AFP.