Le 6 décembre dernier, les 26 éditions internationales de Vogue annonçaient la mise en place de “Vogue Values”, une déclaration mettant en exergue les valeurs et engagements du célèbre magazine de mode “pour 2020 et l’avenir”, notamment en termes de conscience écologique et éthique.
À voir aussi sur Konbini
Dans un souci d'”honnêteté intellectuelle”, le rédacteur en chef de l’édition italienne de la publication, Emanuele Farneti, a décidé que la première revue de l’année amoindrirait drastiquement son impact carbone. Pour ce faire, l’équipe n’a produit aucune série photos pour présenter ses tenues et dernières tendances.
© Cassi Namoda pour “Vogue Italia”
Les couvertures et les images illustrant les pages du magazine ont été conçues par des peintres, des dessinateur·rice·s et des illustrateur·rice·s internationaux·les afin d’éviter la pollution engendrée habituellement par les productions de séances photo.
Dans un communiqué expliquant cette démarche, Emanuele Farneti a entrepris de détailler le coût énergétique de la production des huit reportages photo de leur numéro de septembre :
“150 personnes impliquées. Environ 20 vols en avion et une douzaine de voyages en train. 40 voitures en attente. 60 livraisons internationales. Les lumières allumées pendant au moins dix heures de suite et en partie alimentées par des générateurs à essence. Du gâchis de la nourriture des services de restauration. Du plastique pour emballer les vêtements. De l’électricité pour recharger les téléphones, les appareils photo…”
© Paolo Ventura pour “Vogue Italia”
C’est la “première fois depuis l’existence de la photographie qu’un numéro de Vogue est imprimé sans inclure ce médium”, ajoute le rédacteur en chef. Afin de ne pas perdre de vue l’objectif du magazine – qui présente et décrypte les tendances mode –, les sept artistes impliqué·e·s ont travaillé en collaboration avec des stylistes et ont représenté des mannequins et des tenues précises.
Paolo Ventura a par exemple conçu une couverture représentant la mannequin Felice Nova portant du Gucci ; tandis que la Française Delphine Desane a proposé un portrait d’Assa Baradji également en Gucci, comme dans toutes autres les couvertures proposées.
© Vanessa Beecroft pour “Vogue Italia”.
Aux côtés de l’artiste italien, on retrouve le dessinateur de comics Milo Manara, l’artiste japonais Yoshitaka Amano (connu notamment pour son travail sur le jeu Final Fantasy), l’artiste mozambicaine Cassi Namoda, l’Italo-Américaine Vanessa Beecroft et l’Américain David Salle.
Une action coup de poing ponctuelle
Le magazine exhibe tout de même une photographie, incluse parce qu’elle a été prise par deux photographes de 17 ans qui représentent “le regard de demain”, comme un rappel que s’il est nécessaire d’œuvrer aujourd’hui pour une planète propre, c’est aussi pour les générations futures.
Cette édition s’intéresse au développement durable dans l’industrie de la mode autant dans le fond que dans la forme puisque des reportages sont consacrés au recyclage de vêtements et à la réduction de déchets au sein de la production textile.
© David Salle pour “Vogue Italia”
Ce numéro illustré abonde de créativité et de bonne volonté mais tout cela semble être de courte durée puisque, dès le mois prochain, Vogue Italia reprendra ses anciennes habitudes. Peut-être que, plutôt que de mener ponctuellement une action coup de poing excluant tout à fait l’art photographique, il s’agirait de trouver des moyens pour continuer à employer photographes, assistant·e·s et équipes techniques de façon plus durable et éthique ?
Pour que cette action ait des répercussions concrètes, l’argent économisé par le magazine ce mois-ci sera cependant reversé à la restauration de la Fondazione Querini Stampalia, une institution culturelle vénitienne partiellement détruite par la montée des eaux dévastatrice connue par la Cité des Ducs en novembre 2019.
De plus, Condé Nast Italia a annoncé sa décision d’utiliser dorénavant uniquement du plastique compostable pour emballer ses magazines. Étant donné la renommée et le succès du magazine, chacun de ces petits gestes pourrait tout de même avoir un impact sur ses 230 millions de lecteur·rice·s à travers le monde.
Connu pour sa créativité sans limite et le travail controversé et révolutionnaire de sa rédactrice en chef, Franca Sozzani, pendant une trentaine d’années, Vogue Italia ne déroge pas à sa réputation pour cette nouvelle décennie. Franca Sozzani, décédée en 2016, serait sans doute fière de ce coup de maître.
© Yoshitaka Amano pour “Vogue Italia”
© Delphine Desane pour “Vogue Italia”
© Milo Manara pour “Vogue Italia”