Le travail de la jeune photographe jette un regard sentimental sur la réalité et les fantasmes de cette région bien particulière.
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Rosie Brock cherche à explorer l’imbrication entre mythe et réel dans son Sud américain natal. Née en Caroline du Sud, la photographe a grandi en Virginie et en Floride : trois États du Sud des États-Unis, sur les 16 qui composent cette région à part, connue pour son identité très forte. Historiquement, culturellement mais aussi visuellement, l’American South est très reconnaissable. On l’identifie d’emblée sur ces photos, qui évoquent avec nostalgie et mystère cet endroit mythique.
Du Texas à la Floride, en passant par la Louisiane et la Virginie, comment expliquer la particularité de ce territoire protéiforme à ceux qui ne le connaissent pas ? Rosie Brock résume :
“Le Sud américain est une région marquée par son histoire tragique et violente, mais aussi par ses habitudes régionales et sa culture particulière. Le passé n’a jamais été complètement résolu, c’est un endroit où les tensions sont à la fois très évidentes mais en même temps masquées.”
Une région fascinante à l’histoire tragique
Difficile d’évoquer le Sud sans parler de son histoire coloniale, de l’esclavage, de la guerre civile, des lois ségrégationnistes, des tensions raciales… Ces États sont souvent dépeints comme extrêmement religieux et conservateurs. Mais la photographe y tient, il s’agit de ne pas simplifier : “En réalité, c’est un endroit extrêmement compliqué, d’une beauté à couper le souffle et qui vous hante.”
Le stéréotype voudrait donc que les Américains du Sud aient un accent fort, et un sens de l’accueil très développé. Un bon cliché pourrait se résumer à des gens mangeant du poulet frit ou faisant un barbecue sur fond de blues autour d’une grande maison coloniale. Et quelques histoires de fantômes du XIXe siècle racontées en se balançant sur des rocking-chairs. Ça vous dit quelque chose ? C’est normal, le Sud américain est le cadre du genre littéraire du Southern Gothic et de nombreuses œuvres cinématographiques : Autant en emporte le vent, Big Fish, O’Brother, Forrest Gump, Twelve Years a Slave, The Tree Of Life ou Les Proies en sont quelques exemples.
Entre le mythe et le réel, la nostalgie et la désillusion
Son travail photographique est donc à l’image de sa région. Réaliste, quand elle capture les visages des travailleurs de petites villes désertées de Virginie, après l’élection de Donald Trump. Poétique, quand elle immortalise les champs au coucher de soleil. Mystique, quand on la retrouve habillée en écolière dans une nature inquiétante. Impossible de ne pas penser aux paysages marécageux des films de Jeff Nichols (Mud, Take Shelter), à l’ambiance troublante de la première saison de True Detective ou à la récente série Sharp Objects avec Amy Adams.
Inspirée par la littérature gothique de la région, ses films et sa musique, Rosie Brock fait aussi appel à son enfance. De son éducation religieuse et de ses étés passés à la campagne, la photographe garde un souvenir romantique ou nostalgique, qui s’est troublé en grandissant. “C’est un endroit qui a été tellement mythifié qu’il devient difficile de savoir ce qui est réel et ce qui est une histoire. Je crois que c’est ce mélange qui est l’essence du Sud.”