Le photographe irlandais Tom Wood présente pour la première fois dans une exposition ses images prises dans le bateau liant Liverpool à Wirral.
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Entre Liverpool et la péninsule de Wirral, en Grande-Bretagne, le Mersey Ferry fait des allers-retours à longueur de journée et transporte sur un peu plus d’un kilomètre un bon nombre de voyageurs. Aujourd’hui, le Mersey Ferry est devenu une attraction touristique et les bus sont le moyen de transport le plus utilisé. Le photographe Tom Wood a vécu à New Brighton (un quartier de la péninsule de Wirral) pendant 25 ans et a assisté à ce ballet maritime dans les années 1970-1980.
En prenant au quotidien cette liaison Wirral-Liverpool, il a eu l’idée d’immortaliser les visages et l’attitude désabusés des voyageurs du ferry avant, pendant et après la traversée. Grand maître de la photo de rue et du portrait, Tom Wood a été exposé l’année dernière à Paris Photo où il présentait entre autres des photos de kids anglais prises sur plus de quarante ans de carrière.
Ces gosses dont il aimait figer l’image à leur insu l’appelaient “Photie Man”, (ou le “type aux photos”), car il leur offrait des instantanés qu’il prenait d’eux dans la rue. Ces instantanés ont fait l’objet d’un livre photo et d’une expo qui reprenaient en titre ce surnom marquant les débuts de sa carrière.
Cette année, c’est l’Open Eye Gallery, à Liverpool, qui met à l’honneur une sélection de 90 clichés en noir et blanc et en couleurs parmi ses milliers de pellicules qu’il lui reste de cette époque. C’est la première fois qu’on voit ces tirages exposés. Le nom de l’expo, “The Pier Head”, vient de celui du terminus du ferry, et cet événement se tient à deux minutes de ce lieu que le photographe a beaucoup fréquenté.
Un véritable portrait de l’Angleterre
Que ce soit des amis, de la famille ou des étrangers, celui que Martin Parr désignait comme “le génie méconnu de la photographie britannique” a effectué pendant deux décennies un vrai travail d’immersion facilité par sa routine et ses régulières traversées. Il a réussi à figer les visages d’une génération dans ce lieu de transit ; souvent des jeunes gens bien lookés qui posent avec une fière attitude, en train de partager un sandwich ou d’attendre que le temps passe.
Plus que les visages des passagers, c’est un véritable portrait de l’Angleterre des années 1980 que livre le photographe. Le critique britannique John Berger racontait en 2004, que Tom Wood ne s’est jamais considéré comme un reporter :
“Ce qui me semble le plus important, c’est sa capacité à entrer en tant qu’artiste dans la vie profonde, populaire, souvent inarticulée mais profondément humaine des gens de l’endroit où il choisit de travailler.”
Témoin des mutations de son époque, aussi bien sociétales qu’architecturales, Tom Wood rend ici hommage à un peuple. Un des deux curateurs de l’exposition, Thomas Dukes, explique à son tour :
“Cette série s’étend sur une période de changement pour la photographie. Beaucoup de travaux de la fin des années 1970 montraient un monde qui se construisait rapidement, mais les gens photographiés étaient souvent traités comme des acteurs, représentant une idée ou une branche de la société. Ils ont rarement été capturés en tant que personnes individuelles à part entière. Tom Wood a été l’un des photographes qui a perturbé cela, en permettant aux gens d’apporter leur propre personnalité dans le cadre.
C’est une exposition sur les relations avec les personnes et les lieux récurrents dans nos vies quotidiennes. Il s’agit de familiarités construites au cours d’un trajet − un voyage à travers les correspondances de regards − et une exploration d’un processus d’attente, de destinations et de points de départ. Pour l’Open Eye Gallery, il y a quelque chose de juste à partager ces photos ici, les montrant dans un espace à un jet de pierre de l’endroit où beaucoup d’entre elles ont été prises. C’est comme un retour à la maison.”
“The Pier Head“, exposition de Tom Wood, jusqu’au 25 mars 2018, à l’Open Eye Gallery à Liverpool.