Cristiano Ronaldo, c’est cinq Ballon d’Or, plus de 500 buts, des records, un film, et la liste est encore longue. C’est aussi, depuis peu, une hyperactivité sur Instagram qui porte ses fruits, puisque le footballeur portugais est la première personne à être suivie par 200 millions de fans.
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On a discuté avec Frank Hocquemiller, agent d’image et cofondateur de l’agence VIP-Consulting (qui s’occupe notamment de la communication de Jallet, Alessandrini, Lloris, Armand et Varane) pour qu’il nous aide à comprendre la manière dont la superstar portugaise gère son compte Instagram.
Pour commencer, en tant que spécialiste de la gestion d’image de célébrités, que vous inspire, globalement, le compte Instagram de CR7 ?
Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses. Certains diront trop, peut-être, mais aujourd’hui, il doit donner de la matière à ses 200 millions de followers, tous réseaux confondus. Effectivement, il est obligé de trouver des choses à dire, et très régulièrement – c’est-à-dire tous les jours, voire plusieurs fois par jour, pour tenir cette communauté en haleine – car c’est cette communauté qui lui permet d’avoir les plus gros contrats publicitaires de l’histoire du sport.
“Dès que les stars postent quelque chose de plus intime, les gens deviennent dingues !”
Cristiano Ronaldo est aujourd’hui un hyperactif des réseaux sociaux. Depuis peu, il met son fils en scène et publie des selfies plus bizarres les uns que les autres. Pouvez-vous nous expliquer ce revirement de situation ?
L’analyse que j’en fais, c’est qu’aujourd’hui, on constate que les réseaux sociaux peuvent, à un moment donné, se répéter. Souvent, les sportifs postent des choses qui se ressemblent, et pas seulement Cristiano Ronaldo, c’est le cas de tout le monde. Ils nous montrent les avant-matchs, les après-matchs, les photos de victoire, les remerciements aux supporters, les photos d’entraînement, etc. C’est souvent la même chose, et pour continuer à progresser quand vous êtes arrivé à un certain niveau, il faut faire du nouveau, du personnel et, limite, de l’intime.
Alors attention, je ne dis pas qu’il faut le faire parce que les gens attendent ça. Mais je pense que c’est le constat qu’il a fait et la voie qu’il a peut-être choisi d’emprunter pour battre de nouveaux records d’abonnés. Je le vois comme ça, en tout cas. Parce que je ne pense pas qu’il se soit levé un matin en se disant : “tiens, je vais mettre mon fils partout“. Ce n’est pas quelque chose que les personnalités font beaucoup et elles ont bien raison.
C’est bien de préserver un minimum les enfants. En ce moment, il le fait moins. Je ne dis pas qu’il ne le fait plus du tout non plus, mais juste un peu moins et je pense que l’explication est celle que je viens de vous donner. D’ailleurs, toutes les statistiques le montrent : dès que les stars postent quelque chose de plus personnel, plus intime, plus backstage, les gens deviennent dingues, le public devient fou !
Cristiano Ronaldo est réputé pour son égocentrisme sur le terrain comme en dehors. Peut-on considérer que son compte Instagram reflète ce trait de caractère ?
Je me méfie de la réputation qu’on fait aux sportifs. Je suis dans ce milieu depuis plus de quinze ans maintenant, je me méfie des réputations et je vais vous dire pourquoi : je défie quiconque ayant des revenus publicitaires comme les siens, trois Ballon d’Or, son salaire, son palmarès, tout en jouant pour le Real Madrid, de ne pas se regarder un peu le nombril. Je pense que c’est quelque chose d’humain.
Il s’avère que je l’ai croisé hier sur une production où il y avait plusieurs joueurs. Je ne l’ai pas trouvé très égocentrique. Il était très accessible, très sympathique et, surtout, très, très, très professionnel. Après, bien sûr, c’est une star planétaire : il roule dans de belles voitures, il a beaucoup d’argent, mais c’est pas pour ça qu’il faut le critiquer. Personnellement, j’aime bien le personnage et je suis admiratif du joueur. J’ai aussi fait l’effort de voir son film : je l’ai trouvé très intéressant parce qu’il reflète sa personnalité et son histoire. On apprend des choses et on se rend compte que le quotidien d’un sportif n’est pas aussi simple que certains le laissent entendre.
Si l’on s’arrête uniquement à son activité numérique, de quelle star CR7 est-il le plus proche ?
C’est compliqué mais, intrinsèquement, j’ai envie de dire d’une star de la musique ou du cinéma. Dans ces domaines, on a des stars qui ont des communautés comparables à celle de Cristiano Ronaldo. C’est forcément extrasportif parce que, tous sports confondus, c’est le numéro un. Vous regardez les communautés, il est number one, et de loin. Donc je pense que c’est plutôt à comparer avec une star de la musique ou une star de cinéma américaine et planétaire.
À vue de nez, combien de personnes tirent les ficelles de son compte Instagram ?
Je ne saurais pas vous dire, mais il est assisté dans cette tâche comme le sont tous les sportifs. Nous, les sportifs dont on gère l’image, on les fait assister par des professionnels, mais c’est bien nos sportifs qui choisissent ce qu’ils veulent poster, les photos qu’ils veulent mettre en avant, le texte, etc.
La plateforme derrière est plus technique pour éviter toute faute de frappe, d’orthographe ou conseiller quand une photo n’est pas suffisamment qualitative. Il a forcément du monde autour de lui… Combien, je ne saurais pas vous le dire, mais il est très encadré. Il a des gens qui gèrent ça avec lui et c’est un vrai travail, puisqu’il est quand même très actif.
En résumé, Cristiano Ronaldo sans les réseaux sociaux, c’est inimaginable en 2016 ?
Je vais aller plus loin, là, vous prenez le top du top, donc la réponse est évidemment “oui”. Mais même un sportif qui a un statut international, par exemple, doit être sur les réseaux sociaux, sinon il n’aura pas de partenaires. C’est une observation qu’on est forcés de faire, même si on n’est pas forcément d’accord avec l’importance qu’ont pris les réseaux sociaux et le pas qu’ils ont pris sur d’autres critères comme les valeurs ou l’élégance.
On n’est pas forcément en phase avec cette idée, mais ça correspond à la société et aux outils d’aujourd’hui… Donc si vous n’y êtes pas, forcément, les partenaires ne travaillent pas avec vous. C’est assez simple pour n’importe quel sportif, donc au niveau de Cristiano Ronaldo, je n’en parle même pas.
“Aucun sportif au monde ne peut rivaliser avec lui.”
On peut donc en déduire que vendre du rêve est un travail à temps plein pour CR7 ?
On peut dire que c’est quelqu’un qui fait mouche auprès des jeunes, ils ont besoin de s’identifier pour avancer, pour rêver un peu. C’est vrai qu’il est l’incarnation du rêve, on peut dire ça comme ça. Quoi qu’il en soit, sur un certain public, c’est le cas.
Revenons sur son compte Instagram, suivi par 200 millions de fans. Si vous étiez son conseiller, que lui suggéreriez-vous pour passer la barre des 300 millions ?
Vu que ça progresse, je lui dirais de continuer comme ça mais après, il ne faut pas tomber dans le voyeurisme. Il ne faut pas essayer de publier un truc plus étonnant que la veille. Je pense qu’il faut quand même manipuler cet outil avec précision, parce qu’une fois que les posts plus intimes, plus personnels auront été multipliés, les gens voudront de toute manière encore autre chose. C’est sans fin.
À mon avis, avec tout ce qu’il cumule sur les différents réseaux, il peut s’arrêter là. Je pense aussi qu’il n’y a aucun sportif au monde qui peut rivaliser avec lui, en tout cas aujourd’hui. Les partenaires le savent puisqu’il en fait la collection dans des domaines extrêmement divers et variés.
Parmi les nombreux footballeurs français dont vous vous occupez, lequel a l’activité numérique la plus proche de celle de CR7 ?
C’est forcément Raphaël Varane, mais il gardera une certaine distance dans sa communication, dans ses posts et dans tout ce qu’il est amené à faire, puisque c’est son caractère. C’est quelqu’un qui se veut très proche de son public mais en gardant son intimité. C’est ce qui fait son élégance : on n’a même pas besoin de l’encourager. On est parfaitement en phase avec cette stratégie.
À ce propos, à quel niveau intervenez-vous dans l’activité numérique de vos joueurs sachant que les réseaux sociaux sont initialement des plateformes personnelles ?
On a une gestion à plusieurs niveaux. C’est le joueur qui décide de ce qu’il a envie de faire et à quel moment. Ensuite, on a un petit groupe de travail constitué de son agent sportif, moi-même et son responsable réseaux sociaux. On se met d’accord sur ce qu’on fait, on valide et on envoie. Pour reprendre l’exemple de Raphaël Varane, c’est lui qui décide, maîtrise et pilote ses comptes. Il n’a jamais publié un post dont il n’était pas l’initiateur.
“Parler aux gens une fois correctement, c’est mieux que dix fois vite fait.”
On a cette même réflexion avec les partenaires avec lesquels on travaille. Ils demandent un certain nombre de posts, à une certaine fréquence, mais tout est géré de manière à ne pas faire n’importe quoi, ne pas faire plusieurs posts en une journée. On pense que parler aux gens une fois correctement, c’est mieux que dix fois vite fait. C’est notre avis.
Les réseaux sociaux donnent accès à autre chose, donc il faut que le sportif soit décisionnaire et qu’il soit au cœur de l’info. Si c’est géré en externe et qu’on lui dit : “On va faire ça à telle heure, est-ce que tu es d’accord ?”, ça perd de son utilité. Nous, on ne fait absolument pas ça, avec aucun des sportifs dont on a la gestion. C’est à eux de savoir ce qu’ils ont envie de faire : on en parle, on a notre petit groupe de travail et quand on est d’accord, on envoie.
© Photo Paul Ellis/AFP)