Plusieurs raisons pourraient expliquer la décision de l’artiste Adam McEwen d’un jour rédiger et partager les avis de décès de personnalités bien vivantes. On pourrait imaginer que c’est la mort de son père, survenue à la fin de son adolescence, qui lui a donné l’idée du projet. Ou le fait qu’il écrivait des nécrologies comme petit boulot en sortant de ses études d’art. C’est sûrement le cas, mais c’est aussi le fond même de ce que représente un avis de décès qui l’a motivé : ce que la mort dit de la vie, de façon générale.
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Auprès du Guardian, l’artiste définit un obituaire comme un “récit de prises de décisions” sélectionnées par un·e auteur·rice. “En 1984, elle a fait ça ; en 1987, elle a fait ci. La personne crée une histoire.” Cette prise de conscience lui permet de gloser sur la façon dont chacun·e mène sa vie.
© Adam McEwen
“C’est ce qu’on fait toute la journée, on décide de se prendre un café ou un thé – ce sont des décisions basées sur ce que je m’imagine devoir faire pour que ma vie soit plus comme ce à quoi je veux qu’elle ressemble.” Une réflexion qui peut pousser au nihilisme ou donner le vertige, pour peu qu’on angoisse de l’effet papillon.
Invité à participer à une “petite exposition de groupe” à New York, à laquelle le public devait customiser un T-shirt de Vivienne Westwood au début des années 2000, Adam McEwen a eu l’idée de transformer un “problème” en “solution”, c’est-à-dire faire d’un petit boulot pas très épanouissant l’inspiration d’un projet artistique. Sur le fameux T-shirt, le jeune artiste décide, au dernier moment, d’imaginer la nécro de Malcolm McLaren, artiste britannique alors bien vivant.
© Adam McEwen
“Quand je suis arrivé à New York dans les années 2000, la seule chose que j’ai apportée avec moi, c’était cette idée des nécrologies”, résume l’artiste dont le travail fait aujourd’hui l’objet d’une exposition à la galerie Gagosian de Londres. Imprimées en très grands formats, ces nécrologies mettent en relief paradoxes et pouvoirs des récits, au fil des sources et du temps. Une nécrologie de Roman Polanski n’aurait pas la même forme, ni le même fond, selon les époques et les auteur·rice·s, par exemple. Une façon de rappeler que l’histoire est une matière malléable, et parfois contestable.
Adam McEwen joue également sur la culture des médias et la façon dont nombre de rédactions rédige à l’avance les obituaires de grosses personnalités afin de publier le plus vite possible leur avis de décès lors de leur mort – une pratique qui donne parfois lieu à la propagation de fake news, lorsque les avis sont partagés par erreur. Depuis une vingtaine d’années, l’initiative artistique d’Adam McEwen n’est pas qu’humoristique, elle ouvre des pistes de réflexion, personnelles et sociétales.
© Adam McEwen
© Adam McEwen
© Adam McEwen
© Adam McEwen
L’exposition dédiée au travail d’Adam McEwen est visible à la galerie Gagosian de Londres jusqu’au 10 février 2023.