Mais c’est quoi, le mystérieux syndrome de Stendhal ?

Mais c’est quoi, le mystérieux syndrome de Stendhal ?

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© Joshua Earle/Unsplash

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Par Lise Lanot

Publié le

Parfois, l’art fait tomber son public à la renverse, au sens littéral du terme.

Avez-vous déjà ressenti des palpitations face à une œuvre d’art ? Commencé à transpirer à grosses gouttes devant la précision d’un visage peint il y a cinq millénaires ? Manqué de tomber dans les pommes, devant la beauté d’un bijou architectural ? Peut-être même avez-vous commencé à halluciner tant les visites successives de musées vous touchaient en plein cœur ? Si oui, vous avez peut-être souffert du syndrome de Stendhal, un mal théorisé il y a une trentaine d’années par une psychiatre italienne.

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L’affliction tire son nom du romancier français, auteur notamment du Rouge et le Noir, qui décrivait en 1817 les émois ressentis lors de sa visite de la basilique Santa Croce, dans son récit autobiographique Rome, Naples et Florence. La tête renversée en arrière, les yeux fixés sur les fresques de la coupole de la chapelle Niccolini, il arrive “à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber”.

Sans doute troublée par cette lecture, la psychiatre Graziella Magherini passe une vingtaine d’années à étudier des cas similaires. Elle en tire un ouvrage, publié en 1989, dans lequel elle popularise le nom de “syndrome de Stendhal” – parfois également appelé “syndrome de Florence” puisque l’experte précise que c’est dans cette ville italienne, qui “concentre le plus d’œuvres de la Renaissance dans le monde”, que survient nombre de cas.

Son livre La sindrome di Stendhal rapporte les cas de 107 personnes ayant vécu des troubles psychiques après avoir admiré des œuvres florentines. Dès la fin des années 1980, et alors que le livre de Graziella Magherini n’est pas encore paru, les journaux commencent à parler du syndrome en question.

En mai 1989, le New York Times détaillait par exemple l’histoire de Lucy, une femme de 22 ans “non italienne”, qui avait commencé à halluciner au bout de quelques jours passés à visiter les églises florentines et le musée des Offices : “Elle a commencé à imaginer qu’elle voyait des anges et pouvait les entendre chanter. Elle était convaincue d’être la réincarnation d’une nonne enterrée en Ombrie. Elle ne pouvait pas se souvenir du nom du village mais était persuadée qu’elle pourrait s’y rendre si on la laissait seule”, rapportait alors le journal.

Des régions du monde épargnées

D’après ses études, Graziella Magherini a estimé que le syndrome ne touchait pas tout le monde, mais plutôt des “personnes vivant seules et ayant eu une éducation classique ou religieuse, indifféremment de leur genre”, résume un article de la revue Hegel. Les touristes “provenant d’Amérique du Nord et d’Asie n’en [seraient] pas touchés” parce qu’“il ne s’agit pas de leur culture”. Les touristes locaux·les italien·ne·s non plus, parce qu’au contraire, ces dernier·ère·s ont la chance de baigner “dans cette atmosphère depuis leur enfance”.

Si toute œuvre peut potentiellement faire survenir des palpitations chez les touristes, il semblerait qu’un immense David (de 4 mètres sur 6) exposé dans la Galerie de l’Académie cause chaque année malaises et palpitations chez une poignée de personnes. Les gardien·ne·s des musées de Florence seraient même formé·e·s à intervenir auprès de ces cas précis causés par un trop-plein de sublime.

Les doutes subsistent

Le magazine Géo souligne cependant que certains professionnels nuancent ces symptômes, en estimant qu’une succession de visites entre lieux extérieurs et lieux clos peut aussi occasionner des malaises ou des vertiges”. Le syndrome ne fait d’ailleurs pas partie du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.

Le faible nombre de cas étudiés par Graziella Magherini et l’interrogation concernant ce qui peut causer les symptômes évoqués (chaleur, foule, somatisation, terrain peut-être déjà instable chez les sujets, etc.) font que les doutes subsistent. En attendant, continuez de vivre de fortes émotions face aux beautés de l’art et allez consulter si la vision d’une photographie de Zanele Muholi vous fait, littéralement, tomber à la renverse.