Huit ans après l’introduction du mot “selfie” dans l’Oxford Dictionary, ses conséquences mortelles ont désormais un nom : le “killfie”, la mort par le selfie. Derrière cette dénomination réside un véritable problème socioculturel dans certaines parties du monde, comme en Inde, rapporte Courrier international.
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Entre 2011 et 2017, 259 morts ont été causées par des selfies… dont la moitié en Inde. Ces “killfies” ont pour la plupart impliqué une noyade, une collision par un train ou une voiture ou une chute vertigineuse, selon une étude menée par le All India Institute of Medical Sciences relayée par This Week in Asia. Et encore, ces données ne concernent que les décès officiels. En vérité, il pourrait bien s’agir de milliers de cas. Un phénomène qui concerne davantage les plus jeunes : selon la même étude, l’âge moyen des victimes avoisine les 23 ans.
Rien qu’au mois d’avril, deux adolescents au nord d’Agra se sont noyés dans un étang en prenant un selfie ; dans l’État d’Orissa, un étudiant de 13 ans s’est électrocuté en se prenant dans des câbles haute tension alors qu’il se photographiait sur le toit d’un train.
Cette addiction aux autoportraits numériques est à lier au succès des smartphones dans le pays. Selon Statista, on considère que l’Inde a dépassé le nombre d’utilisateur·rice·s de smartphones aux États-Unis avec 340 millions contre 223 millions en 2017. En 2021, il est même évalué à 760 millions d’utilisateur·rice·s.
Rita Joshi, professeure de sociologie à Delhi University, atteste que le système de castes, très présent en Inde, explique également cet engouement. Selon elle, le selfie offre un moyen d’expression unique aux membres de la classe moyenne qui souhaitent tendre vers “un style de vie occidental”.
D’autant plus que le selfie est présent dans toutes les strates de la société, y compris en politique ou dans la culture. Il a peu à peu été érigé au rang de monnaie d’échange virtuelle contre l’image superficielle d’une vie conforme aux aspirations sociales du pays. Difficile donc de sensibiliser aux dangers de cette pratique dans un tel contexte. Selon l’étude mentionnée plus haut, la solution serait de déclarer des zones “anti-selfie” aux alentours des espaces touristiques comme les étendues d’eau, le sommet des montagnes ou de gratte-ciel.
Et puisque le propre du selfie est d’être partagé sur les réseaux sociaux, plusieurs initiatives se sont aussi développées en ligne. Parmi elles, l’application Saftie recensant les endroits où se prendre en photo est dangereux, le mouvement SelfieToDieFor, lancé par Deepak Gandhi, qui incite au “selfie responsable”, ou encore les messages du ministre du transport ferroviaire sur Twitter :
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