Le grand maître de l’art contemporain présente son exposition “Another (M)other”, dans les deux galeries parisiennes kamel mennour, jusqu’au 21 juillet.
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C’est dans un rapport entre les notions d’altérité et de maternité que l’artiste britannique Anish Kapoor a conçu son exposition de sculptures et d’installations “Another (M)other”, visible en ce moment dans les deux galeries kamel mennour. Les deux espaces se complètent et proposent des œuvres toutes différentes qui nous entraînent dans l’esprit torturé d’un des plus grands artistes contemporains de sa génération.
La galerie située rue Saint-André-des-Arts fonctionne comme une mise en bouche. Une énorme sculpture organique de métal soudé et de fibres de verre transperce la pièce et “ressemble tour à tour à une munition, un tronc d’arbre en décomposition et un phallus”, selon les esprits.
Dans les alentours, des miroirs (faits en acier inoxydable laqué) concaves et convexes reflètent sporadiquement et déforment le visiteur. Ces miroirs, faisant partie des pièces les plus emblématiques créées par Anish Kapoor, plongent le visiteur dans la confusion et l’illusion. En effet, ils “jouent avec les concepts de profondeur et de perception”, puisqu’ils ne nous rendent pas notre reflet comme ils devraient et perturbent notre vision.
C’est la seconde galerie, rue du Pont-de-Lodi, qui fait honneur au titre de l’exposition, et agit comme une explosion. Les formes organiques, rouges et violentes, débordent à profusion. Dans une salle, de grands tableaux ultra-abstraits, ensanglantés, sont disposés et donnent l’impression de contempler les viscères et les entrailles d’une femme (enceinte ?) étalés en relief, tantôt plastifiés et tantôt voilés. Mais cette interprétation n’engage que nous, car la beauté de ces œuvres imposantes et de ces nuances de rouge et de noir en volume a raison du dégoût qu’elles pourraient nous faire ressentir, et nous intrigue. Quand on s’approche, on constate vite qu’il est seulement question de silicone, de voiles, de résine et de grosses couches de peinture.
Une ode à la chair et aux entrailles
Quand on pense au nom de l’expo et qu’on entre dans cette seconde galerie, on se demande si l’artiste n’a pas voulu questionner le rapport d’une mère (procréatrice) à son enfant et le rapport qu’un artiste (créateur) entretient avec son œuvre, et si Kapoor ne porte pas un regard maternel et viscéral tout particulier sur son art, dans cette manifestation précise.
Il semblerait que nous n’ayons pas totalement tort dans notre interprétation. La galerie nous renseigne après coup : “Dans cette exposition, la plus viscérale de Kapoor à ce jour, formes géométriques et matériaux géologiques révèlent une charge sexuelle et physiologique intense.” La dimension sexuelle, nous la voyons évidemment dans deux grands tableaux à la forme de fentes vulvaires.
L’artiste, lui-même, ajoute que ses récentes œuvres témoignent d’un désir “de voir le corps, ratatiné dans toute sa méchanceté de vomissements nus, émerger de l’ordre imposé de la vie”. Si certaines de ses œuvres sont très géométriques, froides, faites d’acier et de miroirs dans la première galerie, il fait largement preuve de violence et de chaleur dans la seconde.
La galerie nous explique que l’artiste a connu un tournant dans son art, ces dernières années, et que ses œuvres sont devenues plus “physiques et animées”, comme si “ces formes géométriques épurées avaient commencé à évoluer par un mystérieux processus darwinien en organes et anatomies désordonnés”. Elle évoque ensuite dans son champ lexical les mots “entrailles”, “chair”, “corps”, “incisés” “masse déferlante” et “dégorger” qui suffisent à comprendre où l’artiste veut en venir.
Anish Kapoor continue de nous troubler et de nous intriguer, au point de se retrouver à rester une heure entière, dans la contemplation et la curiosité, à errer dans une seule pièce. Une expo à voir si on veut en sortir tourmentés.
“Another (M)other”, exposition d’Anish Kapoor dans les deux galeries kamel mennour (au 47 rue Saint-André-des-Arts et au 6 rue du Pont-de-Lodi) jusqu’au 21 juillet 2018.