Le musée de la cathédrale de Florence, propriétaire de l’original de La Pietà dite “Bandini”, à peine restaurée, a décidé d’exposer pour la première fois ensemble ces trois œuvres. Installées en face les unes des autres dans une salle à l’atmosphère intime, ces variations sur le même thème (Marie étreignant son fils défunt) correspondant à différentes phases de la vie de l’artiste mort à 88 ans (1475-1564) offrent un contraste saisissant.
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Pour le directeur du musée florentin Timothy Verdon, il s’agit d’une occasion unique pour “observer la maturation intellectuelle de Michel-Ange sur la thématique du sacré […] en mettant en lumière le lien entre vie et art chez ce sculpteur croyant qui fut au service des papes durant l’essentiel de sa carrière.”
La Pietà du Vatican, réalisée alors qu’il avait moins de 25 ans, émerveilla ses contemporain·e·s, ébloui·e·s par l’humble beauté de cette Vierge éplorée au corps enveloppé d’un savant jeu de drapés. Michel-Ange a été critiqué pour avoir représenté une Marie aussi juvénile.
Sur ses genoux, repose son fils mort à 33 ans, dont le visage serein, à l’aspect endormi plutôt que sépulcral, annonce déjà la Résurrection. Cette sculpture, symbole universel de beauté, reçut le 21 mai 1972 quinze coups de marteau assénés par un vandale, brisant notamment le nez de la Vierge. L’œuvre d’art restaurée est depuis protégée derrière une vitre blindée.
Marie et son fils
Par un étrange clin d’œil du destin, Michel-Ange lui-même, insatisfait de la deuxième version de La Pietà entreprise en 1547, s’y attaqua vers 1555 à coups de marteau. Les marques se voient encore aujourd’hui sur l’épaule de Jésus et la main de Marie.
Lorsqu’il se lance dans cette deuxième version qu’il ne finira jamais, l’artiste, alors âgé de 72 ans et atteint d’accès de dépression, sent la mort s’approcher après avoir traversé les soubresauts de l’Histoire, notamment le sac de Rome en 1527.
Il fait alors vœu de pauvreté et place la religion au centre de sa vie. Et ce n’est pas un hasard s’il prête ses propres traits et sa barbe au personnage de Nicodème, qui domine de sa silhouette protectrice le couple formé par Jésus et Marie, qui ont perdu la beauté intemporelle et idéalisée de la première version.
La juxtaposition de ces trois œuvres “permet de prendre la mesure de l’évolution du style de Michel-Ange au cours des cinquante ans qui séparent la première Pietà des deux autres et du changement encore plus drastique et frappant entre les deux dernières”, estime Timothy Verdon.
La troisième Pietà, dite “Rondanini”, est en effet sans doute la plus surprenante pour un public non averti : stupéfiante de modernité, cette sculpture dépouillée haute d’environ deux mètres, commencée vers 1552, alors que l’artiste avait près de 80 ans, fut retrouvée au logis romain de l’artiste, qui y travailla jusqu’à sa mort.
Bien sûr, son caractère inachevé lui donne cette touche d’œuvre brute à mille lieues des canons esthétiques de l’époque, mais les expert·e·s y voient aussi une démonstration artistique à destination des hommes de foi, dont le regard doit aller au-delà des apparences et se concentrer sur l’essentiel. Adieu les drapés, vive l’épure.
Marie et son fils, dont les visages et les corps sont réduits à des esquisses, sont de nouveau représentés seul·e·s, sans l’appui de personnages secondaires. Une simplicité extrême qui ne fait que renforcer la puissance spirituelle de cette œuvre ultime de Michelangelo Buonarroti.
Konbini arts avec AFP.