Bien que de plus en plus pris en considération, le rôle des femmes au sein du mouvement des Black Panthers continue d’être sous-estimé. Même les personnes qui se targuent d’être “particulièrement documentées” sur ce parti fondé par Huey P. Newton et Bobby Seale tomberaient des nues en apprennant que “66 % des membres étaient des femmes”, selon la militante Angela Davis en préface du livre Comrade Sisters: Women of the Black Panther Party.
À voir aussi sur Konbini
L’ouvrage, composé des textes de l’ancienne membre du Black Panther Party (BPP) Ericka Huggins et du photographe Stephen Shames, vise à remettre au centre légitime de cette histoire les femmes de ce mouvement révolutionnaire de libération africaine-américaine. La tâche est aussi importante qu’elle est ardue puisqu’il semble difficile pour certain·e·s “d’incorporer ce fait historique au sein du cadre patriarcal et des postulats masculinistes qui ont tendance à définir les plus célèbres organisations radicales noires des années 1960”.
31 mars 1972, Oakland, Californie : dépistage de la drépanocytose lors de la conférence pour la survie de la communauté noire. (© Stephen Shames)
Les textes et images d’archives, dont la plupart est inédite, permettent d’identifier les programmes et luttes principales des Black Panthers. Le livre met en exergue l’efficacité des nombreux programmes (une soixantaine) mis en place par le BPP, à l’instar du Free Breakfast for Children, du Free Food Program ou des tests de dépistage de la drépanocytose, une maladie génétique touchant fortement les personnes noires.
Ces programmes couvrant l’alimentation, l’éducation et la santé étaient majoritairement gérés par des femmes. Ils visaient à protéger les communautés noires et à permettre une émancipation vis-à-vis d’un État et de services publics qui ne les protègent pas ou qui les tuent – le mari d’Ericka Huggins a été tué sur le campus de la UCLA et la police de Los Angeles a incarcéré la militante en l’accusant de préparer une attaque revanche, rapporte Angela Davis dans le livre.
1971, Oakland, Californie : rassemblement noir Free Huey à Provo Park. Le nom officiel du parc est Constitution Park, mais il est devenu Provo Park en l’honneur des Dutch Provos [un groupe contestataire se revendiquant écologique, anti-monarchie et anti-impérialisme néerlandais, ndlr]. En 1983, il a été rebaptisé le Martin Luther King Jr. Civic Center Park. (© Stephen Shames)
Quarante ans après la dissolution du parti, “son héritage est bien vivant”, note Ericka Huggins, et la volonté est désormais d’enfin refléter la réalité concernant les membres qui ont permis à l’organisation de perdurer et d’avoir autant d’impact. Dans l’ouvrage, l’historienne Robyn C. Spencer souligne la nécessité de ce regard vers le passé, notant à quel point il est important d’écouter “les voix de ces femmes” afin de “répondre aux questions posées à l’ère de Black Lives Matter”.
1970, Philadelphie, Pennsylvanie. (© Stephen Shames)
“Le parti des Black Panthers a été l’une des réponses les plus influentes au racisme et aux inégalités de l’histoire états-unienne. Les membres recommandaient la défense armée contre les violences policières et avaient mis en place un programme de patrouille de la police, grâce à des armes et des livres de loi. Leur héritage durable consiste en leurs programmes, à l’instar du Free Breakfast for Children, qui a inspiré un mouvement national d’organisation communautaire pour l’indépendance économique, l’éducation, la nutrition et la santé publique.
Seale affirmait qu’aucun enfant ‘ne devrait aller à l’école la faim au ventre’. Ce credo simple a amené le directeur du FBI J. Edgar Hoover à décrire le programme en question comme la menace la plus efficace face aux efforts des autorités pour neutraliser les Black Panthers et détruire leurs valeurs.”
1971, New York : programme d’activités après l’école à Harlem, organisé par les Black Panthers. (© Stephen Shames)
1971, Oakland, Californie : Gloria Abernethy, membre du parti, vend le journal des Black Panthers pendant le boycott du supermarché Mayfair. Tamara Lacey tient une affiche concernant la drépanocytose. (© Stephen Shames)
Mars 1972, Oakland, Californie : programme Free Food organisé par les Black Panthers. Earlene Coleman, membre des Black Panthers, prépare des sacs de nourriture à distribuer au centre étudiant de Laney College pendant une conférence pour la survie de la communauté noire organisée par les Black Panthers au Colisée d’Oakland. Les Panthers y ont distribué 6 000 sacs alimentaires. Bobby Seale a annoncé se présenter aux élections municipales d’Oakland ce soir-là. (© Stephen Shames)
Le 12 novembre 1969, Oakland, Californie : Angela Davis prend la parole lors d’un rassemblement Free Huey au parc DeFremery. Elle a été membre des Black Panthers en 1969 et est restée proche du parti. (© Stephen Shames)
31 mars 1972, Oakland, Californie : la membre des Black Panthers Ericka Huggins rit avec des camarades après la conférence pour la survie de la communauté noire. Elle a travaillé pour les bureaux de Los Angeles, New Haven et Oakland du parti. (© Stephen Shames)
1972, Oakland, Californie : des enfants des Black Panthers sont dans une salle de classe avec leur professeure Evon Carter, veuve d’Alprentice “Bunchy” Carter, à la Intercommunal Youth Institute, l’école Black Panthers. (© Stephen Shames)
1972, Palo Alto, Californie : deux femmes avec des sacs de nourriture du programme People’s Free Food, un des programmes toujours existants des Black Panthers. (© Stephen Shames)
1972, église Saint-Augustin, Oakland, Californie : programme Breakfast for Children organisé par les Black Panthers. (© Stephen Shames)
1973, Oakland, Californie : Adrienne Humphrey offre des dépistages pour la drépanocytose pendant la campagne aux élections municipales d’Oakland. (© Stephen Shames)
Le livre Comrade Sisters: Women of the Black Panther Party d’Ericka Huggins et Stephen Shames est publié aux éditions ACC Art Books.