“Le sens du poil”, c’est un projet encore tout frais, créé par cinq bruxelloises, étudiantes en communication. Lancé le 20 mai dernier, ce compte Instagram militant se donne pour mission de dédiaboliser les poils féminins. Une tâche ambitieuse mais nécessaire, dans une société où les femmes sont largement incitées à se débarrasser de leurs poils – injustement considérés comme sales – qu’ils soient logés sous leurs aisselles, sur leurs jambes, leur pubis ou leur visage.
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Les images véhiculées par les médias et auxquelles nous sommes quotidiennement confronté·e·s, participent d’ailleurs largement à la construction de cette injonction, en représentant des corps féminins lisses et imberbes.
Déjà suivi par près de 10 000 personnes, ce compte Insta met en lumière les expériences de femmes qui ont décidé d’avoir le choix en matière de pilosité : s’épiler, ou pas. Sur les images, leurs poils apparaissent sur différentes parties de leur corps et sont pleinement assumés. Dans l’idée de briser ce tabou qui entoure le corps des femmes, “Le sens du poil” veut normaliser la pilosité féminine et s’inscrire dans une démarche inclusive. Autrement dit, ne pas représenter uniquement des femmes à la peau vierge de tout poil.
“La pilosité des femmes est une bonne porte d’entrée pour parler des normes entourant les corps car elle est révélatrice des asymétries de genre”, racontaient les cinq créatrices du compte à Madmoizelle. Pour appuyer leur propos, celles-ci se sont tournées vers Instagram, afin d’exposer le poil féminin tout en donnant une dimension artistique au projet.
Leur militantisme prend ainsi la douce forme de photos de follicules pileux et de duvets sur fonds colorés, le tout accompagné de récits de rébellions de femmes contre leur rasoir.
L’épilation dans les mœurs
Outre le récit d’expériences personnelles, ces témoignages ont pour point commun de dénoncer la pression sociale qui est exercée sur le corps féminin dès que celui-ci sort des normes qui l’oppressent. “Il y a six ans, en robe dans un parc, je m’excusais d’avoir des poils sur les jambes. Il y a deux ans, je me suis rasée pour aller à un repas de famille car un proche m’y incitait. Il y a six mois, je faisais exprès de ne pas lever les bras devant une amie par peur qu’elle me fasse des commentaires désobligeants sur mes aisselles”, raconte l’une des femmes photographiées pour “Le sens du poil”.
Un·e amoureux·se, un parent, un·e ami·e : la chasse aux poils féminins, solidement ancrée dans les mentalités, peut venir de partout. Y compris d’inconnu·e·s au regard insistant, comme le prouve le récit d’une autre femme : “J’ai assez vite réalisé qu’une fille en short de sport dans le métro, si ses jambes ne sont pas épilées, ça attire le regard. Au début, c’était très difficile de supporter ces regards de parfait·e·s inconnu·e·s, et je ne savais pas trop comment réagir. Les jours où je n’avais pas d’énergie pour les affronter, je mettais un T-shirt, ou je faisais semblant de ne pas avoir vu.”
Le compte Twitter “Paye Ton Poil” (en référence à “Paye Ta Shnek“, qui luttait contre le harcèlement de rue) s’évertue d’ailleurs à dénoncer la dictature de l’épilation féminine et le “sexisme pilophobe” – un terme qui désigne la peur des poils. À la fois aberrants et révoltants, les témoignages rapportés ont le mérite de faire ouvrir les yeux sur le tabou social que constitue le poil féminin.
Libérer les poils des femmes
Dans ce contexte, des initiatives comme “Paye Ton Poil” ou “Le sens du poil” interviennent pour défendre le droit des femmes à disposer librement de leur corps, et les aider à assumer leurs propres choix au sein de la société. Dans la continuité de leur projet, les autrices du compte Instagram travaillent actuellement sur le tournage d’une web-série documentaire, toujours centrée autour du même thème.
Côté mode aussi, les choses évoluent doucement. En juin dernier, la marque américaine de rasoirs Billie montrait pour la première fois des poils pubiens dans sa dernière campagne. En 2018 déjà, la marque mettait en avant des corps féminins avec des poils, tout en dénonçant : “Le monde prétend que ça n’existe pas.” On dirait que la libération du poil est (enfin) en route.