Le peintre grec Fassianos s’est envolé comme les oiseaux emblématiques qui ornent nombre de ses tableaux, à l’âge de 86 ans, a annoncé sa fille à l’AFP. Alekos Fassianos, alité depuis plusieurs mois à son domicile de Papágou, dans la banlieue d’Athènes, est mort “dans son sommeil” des suites d’une longue maladie, a précisé Viktoria Fassianou.
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Atteint d’une maladie dégénérative, il a posé son pinceau en 2019. Il sera inhumé aujourd’hui dans le quartier athénien de Papágou où il vivait. Le coloriste aux multiples talents a partagé sa vie entre la Grèce et la France, où il a étudié la lithographie à l’École nationale des beaux-arts et côtoyé écrivain·e·s et peintres, à l’instar de Louis Aragon ou de René Matisse.
Sa fille Viktoria Fassianou, qui préside la société Fassianos Estates, et son épouse Mariza Fassianou avaient alors annoncé à l’AFP l’ouverture d’un musée à son nom à l’automne 2022 dans un vieil immeuble du centre d’Athènes, entièrement repensé par l’artiste avec son ami architecte Kyriakos Krokos.
“En équilibre entre réalisme et abstraction”
Le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis a rendu hommage au peintre “toujours en équilibre entre réalisme et abstraction”. Fassianos “nous laisse un précieux héritage”, a-t-il dit, confiant que l’artiste aux multiples talents avait appelé récemment à faire face à la pandémie avec “solidarité, amour et éducation”. Car “dans la plupart de ses créations, l’Homme est à l’honneur”.
“Toute l’œuvre de Fassianos, les couleurs qui remplissent ses toiles, les formes multidimensionnelles qui dominent ses peintures, respirent la Grèce”, a réagi la ministre de la Culture Lina Mendoni, qui a salué dans un communiqué “l’un des principaux contemporains à avoir peint l’hellénisme”.
“Pour ceux qui l’ont connu et aimé, il restera l’ami chaleureux, lumineux qui aimait nous inviter à déguster des oursins sur une plage sauvage”, a écrit à l’AFP le cinéaste franco-grec Costa-Gavras. Le réalisateur de Z, L’Aveu ou Adults in the Room (sur la dette grecque) a salué la mémoire du “grand peintre, peintre exemplaire et peintre philosophe” dont il aimait l’humour “caustique contre la bêtise et la vulgarité”, ajoutant qu’il restera “présent dans tous les esprits et le cœur de tous les Grecs qui l’aimaient et qu’il aimait”. “Alekos, nous nous reverrons bientôt”, conclut-il.
Donner un sens aux couleurs
“J’aime les volumes rouge et bleu mais pas l’abstraction. Les couleurs devraient toujours avoir un sens”, disait-il en 1964. Artiste aux multiples talents, Fassianos réalisa des fresques dans le métro athénien, des décors de théâtre, des illustrations de livres, des sculptures, céramiques… Il réalisait lui-même ses cravates et avait fabriqué la robe et la couronne de sa femme, pour ses noces sur l’île cycladique de Kéa, où il aimait se ressourcer.
Fils de compositeur et petit-fils de pope orthodoxe, Fassianos est connu pour ses toiles exposées à travers le monde, où l’on retrouve le cycliste qu’il croisait enfant en allant à la plage, la chevelure redressée par le vent telle que décrite dans ses textes de la mythologie, les poissons de Kéa – son île favorite –, les vagues rondes comme dans L’Odyssée ; l’oiseau aux ailes déployées… Autant de signatures emblématiques de son œuvre.
Dans la lignée de Matisse ou Picasso, Fassianos se défendait pourtant d’avoir été inspiré par un·e artiste plutôt qu’un·e autre et préférait se revendiquer de “77” influences selon son épouse. Refusant toutes les contraintes, Fassianos traçait, sans ombre ni perspective, ses personnages puisés dans la mythologie, l’art byzantin ou naïf.
“La grécitude” en inspiration
Si les œuvres de Fassianos ont fait le tour du monde, “la grécitude a toujours été son inspiration, de la mythologie à la Grèce contemporaine”, déclarait sa femme, bien qu’il soit exposé au musée d’art moderne de Paris, à la fondation Maeght, ou qu’il ait obtenu en 2020 la distinction d’officier de la Légion d’honneur et de commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres par la France, sa seconde patrie.
“Paris a joué un rôle, non pas parce que j’y ai connu des gens incroyables, mais parce que j’ai vu la Grèce avec un œil libre”, confiait-il en 2021 dans une interview au journal grec Proto Thema. “Ainsi je n’avais pas juste l’impression d’être un helléniste mais aussi de comprendre l’âme grecque.”
“Il a toujours cru qu’un artiste doit créer avec ce qu’il connaît”, observait sa femme. Il disait : “Ce que je connais, c’est la Grèce, le ciel est bleu, alors je peins en bleu, je connais les îles grecques, la mer, les vagues…” Lors d’une visite de son domicile par l’AFP, sa fille avait expliqué qu’il avait tout créé dans sa maison : la rampe d’escalier en feuilles de bambou, les mosaïques au sol, les vitres ornées d’un soleil en fer forgé…
Fassianos travaillait à même le sol ou griffonnait sur le coin d’une table. Et “il détruisait ce qu’il n’aimait pas”, soupirait sa femme, “je pleurais, mais il savait mieux que moi ce qu’il fallait garder”.
Konbini arts avec AFP