Ses personnages à tête de mort stylisée ont déjà fait le tour du monde, d’installations géantes en produits dérivés. Après 25 ans de carrière, l’artiste américain Kaws débarque au musée, avec une rétrospective au Brooklyn Museum. “Kaws: What Party”, exposition visible jusqu’au 5 septembre 2021, retrace le parcours artistique de Brian Donnelly, 46 ans aujourd’hui, ex-graffeur devenu peintre, sculpteur et plasticien.
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Bien qu’exposé par de nombreuses galeries et plusieurs musées internationaux, l’artiste n’avait encore jamais eu droit à une rétrospective dans un musée de premier plan. En vedette, les deux anti-héros de Kaws, Companion et Chum, aux visages inspirés de la tête de mort des drapeaux de pirates. L’un, Companion, a un corps et un short qui rappellent Mickey Mouse. L’autre, Chum, le bonhomme de Michelin.
Repris dans des tableaux, en sculptures ou en vidéos, ils incarnent l’essence du travail de Kaws, entre “solitude, mélancolie et camaraderie”. “Qui n’a jamais ressenti ces sentiments au moins une fois dans sa vie ?”, interroge Joan Robledo-Palop, dont la galerie new-yorkaise, Zeit Contemporary Art, a vendu près de cent œuvres de Brian Donnelly ces dernières années. Le quadragénaire à l’éternelle casquette, qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP, ne donne que très peu de clefs de lecture de son approche artistique.
Pour la conservatrice de l’exposition, Eugenie Tsai, Kaws s’inscrit dans une dualité, entre la légèreté apparente de ses personnages et leur côté obscur. “Ça nous parle à tous”, dit-elle, en particulier en cette période de pandémie. “Tout ne peut pas être amusant tout le temps.”
Warhol 2.0
Critiqué pour sa superficialité supposée par une partie du monde de l’art contemporain, Kaws a pourtant, très tôt, trouvé son public, dans les galeries, chez les célébrités, avant de conquérir une audience plus large. En Asie d’abord, au Japon en particulier, puis en Occident, où il a intégré les collections du producteur musical Pharrell Williams et du rappeur Jay-Z. Eugenie Tsai voit dans sa démarche artistique une filiation avec le peintre new-yorkais Keith Haring, que Brian Donnelly évoque souvent comme une référence.
“Pas tant le Haring militant”, dit-elle, “mais celui qui voulait toucher un public très large, rendre son art accessible aux jeunes sans moyens comme aux collectionneurs plus âgés”. En avril 2019, le tableau The Kaws Album, qui conviait à la fois les Simpson et les Beatles, s’est vendu 14,7 millions de dollars à Hong Kong, un record. La même année, celui qui graffait jadis sur des trains à Jersey City a collaboré avec l’enseigne de prêt-à-porter japonaise Uniqlo pour une mini-collection, avec des pièces à quinze dollars.
Pour Joan Robledo-Palop, Kaws “a un lien avec le pop art et l’idée que l’art peut être un projet entrepreneurial”. “Le brouillage des repères entre l’œuvre d’art et la marchandise, on le doit à Andy Warhol. Kaws a perfectionné le projet warholien pour l’amener à de nouvelles hauteurs au XXIe siècle.” Pas de filiation, en revanche, selon Eugenie Tsai, avec Jeff Koons, un autre plasticien, lui aussi artiste multi-support amateur de formes ludiques (chiens, lapins ou serpents).
“Il y a une ressemblance en surface”, dit-elle, “mais pour moi, ce sont deux artistes profondément différents. Kaws est humaniste, […] son travail est tourné vers les relations humaines”, alors que celui de Jeff Koons “écarte la part humaine”. Ces dernières années, Brian Donnelly s’est résolument aventuré dans la peinture abstraite, non sans un trait d’union avec son travail plus figuratif, à savoir ses couleurs vives et des éléments de ses personnages fétiches, déconstruits jusqu’à en être méconnaissables.
“Le but d’une exposition de milieu de carrière, c’est de réexaminer l’œuvre d’un artiste”, estime Joan Robledo-Palop. La rétrospective du Brooklyn Museum est “une belle occasion de découvrir la cohérence et le talent de l’artiste”. Grâce à cette présentation, le galeriste espère que “certaines personnes qui étaient critiques de Kaws le verront d’un œil différent”.
Avec AFP.