Igor Mukhin est dans sa vingtaine quand il commence sa carrière de photographe dans l’underground culturel en URSS. On est dans les années 1980, Mikhaïl Gorbatchev est élu au poste de secrétaire général du Parti Communiste de l’Union Soviétique (PCUS) et s’ouvre la dernière phase de la période soviétique (communément appelée la Perestroïka) de l’histoire russe. Une phase de six ans au cours de laquelle, de réforme en réforme, le projet gorbatchévien, qui n’avait pour but que de rendre plus efficace le système existant, débouche sur l’implosion de l’URSS.
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Igor Mukhin plonge durant ses années dans la contre-culture, il suit les rockeur·se·s et les punks dans les concerts clandestins, dans les appartements, lors de rassemblements sauvages. Jouer du rock à cette époque en URSS était déjà une transgression.
© Igor Mukhin
Un film, Leto, réalisé par Kirill Serebrennikov avait rendu hommage à plusieurs de ces groupes. On retrouve notamment dans les images d’Igor Mukhin le visage de Viktor Tsoï, leader du groupe Kino, dont la vie inspira directement le film.
Cette jeunesse rock explose aux quatre coins du monde, les images d’Igor Mukhin rappellent celles de Roberta Bayley à New York ou de Penni Smith à Londres. Baisers langoureux, provocations en tous genres, cette jeunesse ne recule devant rien, elle veut en découdre avec la vie, avec l’autorité.
© Igor Mukhin
En arrière-plan de cette jeunesse fougueuse qui remet tout en question à travers la musique, l’écriture, le dessin, on devine la déroute du monde soviétique “dont les symboles (monuments, statues, fresques murales)”, écrit Michaël Houlette, le directeur de la Maison de la Photographie Robert Doisneau, “ne font même plus semblant de briller, faute d’entretien, faute d’y croire”.
L’URSS s’effondre, la Russie émerge. Compulsif, obstiné, prolifique, Igor Mukhin continue de photographier son pays, sa ville Moscou (où il enseigne la photographie) et sa jeunesse. On traverse les années Eltsine, on arrive jusqu’à Poutine et on retrouve dans l’œuvre d’Igor Mukhin, dans ce “déséquilibre accompli” comme le nomme Michaël Houlette, la même fouge dans les regards et les attitudes.
Une même ironie. Un même affront. Igor Mukhin traverse les générations tout en restant à la marge et offre à voir sur quatre décennies une chronique intime, politique, historique de l’URSS à la nouvelle Russie.
© Igor Mukhin
© Igor Mukhin
© Igor Mukhin
“Igor Mukhin, Générations, de l’URSS à la nouvelle Russie, 1985 – 2021”, une exposition à voir à La Maison de la Photographie Robert Doisneau (Gentilly) jusqu’au 9 janvier 2022. Un ouvrage a également été publié aux éditions Bergger.