Le Mexique a interpellé la créatrice de mode française Isabel Marant en lui reprochant d’exploiter commercialement différents motifs traditionnels de peuples mexicains dans sa dernière collection, indiquait mercredi 4 novembre le gouvernement mexicain. Le reproche est exposé dans un courrier adressé par la ministre mexicaine de la Culture, Alejandra Frausto, à Isabel Marant, qui avait déjà fait l’objet en 2015 de reproches similaires.
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“Je vous demande, Madame Isabel Marant, d’expliquer publiquement sur quels fondements vous privatisez un bien collectif, en utilisant des éléments culturels dont l’origine est pleinement documentée”, a écrit Alejandra Frausto dans sa lettre, citée dans un communiqué.
Collection Étoile automne-hiver 2020-2021. (Capture d’écran du site Isabel Marant)
La ministre estime que les communautés ayant créé ces dessins pourraient être rétribuées pour leur exploitation à des fins commerciales effectuée par la société de prêt-à-porter d’Isabel Marant. Dans le courrier, on peut également lire qu’un principe relevant de l’éthique oblige le Mexique à mettre en débat “un thème incontournable : la protection des droits de ceux qui ont été historiquement invisibilisés”. Certain·e·s internautes estiment que des “appellations d’origine culturelle” contrôlées devraient être mises en place afin de protéger les artisan·e·s et d’éviter ces appropriations culturelles qui ne leur profitent jamais.
Un pillage récurrent
Les autorités mexicaines démontrent que, pour sa collection Étoile automne-hiver 2020-2021, Isabel Marant a utilisé des éléments culturels des communautés de Michoacán (ouest), de l’État de Mexico, de Tlaxcala (centre), de San Luis Potosí (nord) et d’Oaxaca (sud). Est citée comme exemple une cape qui imiterait la géométrie des motifs de vêtements du peuple Purépecha, présent dans l’État de Michoacán. Ce vêtement coûte 490 euros, selon le site de vente en ligne d’Isabel Marant, a constaté l’AFP.
En 2019, le Mexique avait déjà reproché à Carolina Herrera, créatrice de mode vénézuélienne installée aux États-Unis, d’avoir copié des broderies colorées propres à la communauté de Tenango (centre). Les marques Zara, Mango et Rapsodia se sont également vu reprocher de s’approprier des dessins originaires du Mexique qui, avec 56 groupes ethniques, détient une importante richesse artisanale, de tissus et broderies.
Des excuses de la part de la créatrice
La maison Isabel Marant a présenté ses excuses dans une lettre, datée du 6 novembre, à la ministre – lettre que cette dernière a ensuite publiée sur son compte Twitter : “Si la maison Isabel Marant et avec elle la créatrice, ont manqué de respect à la communauté Purépecha et au Mexique […] elles vous implorent, Madame la ministre, et le pays que vous représentez, d’accepter leurs plus sincères excuses.”
Isabel Marant lors de son défilé automne-hiver 2020-2021 à la fashion week de Paris, le 27 février 2020. (© Thomas Samson/AFP)
La maison Marant affirme que sa marque est “fermement” orientée vers les cultures et traditions étrangères et qu’elle réinterprète ces codes vestimentaires afin de “valoriser et mettre en valeur” le mélange culturel. Elle ajoute que le Mexique est un pays que la créatrice aime et connaît bien et c’est pourquoi les images des textiles Purépecha ont fait partie de l’inspiration de sa collection Étoile automne-hiver 2020-2021.
“À l’avenir, nous veillerons à ce que nos intérêts coexistent et rendrons expressément hommage à nos sources d’inspiration, exprimant notre gratitude aux propriétaires d’expressions culturelles traditionnelles”, promet la maison de couture. La collection étant déjà sortie, Alejandra Frausto n’a pu qu’“appréci[er] la réponse d’Isabel Marant” : “Nous invitons les designers internationaux à être des alliés dans la défense du patrimoine culturel des peuples autochtones et à reconnaître leur valeur et leur diversité”, a-t-elle conclu.