Que ce soit vos potes ou des personnalités publiques, tout le monde s’y met. Près de 4 millions de personnes ont téléchargé cette application les premiers jours de décembre. Cette application, c’est Lensa, et elle a le vent en poupe.
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Le concept ? Envoyer une dizaine de photos de soi pour avoir en retour un avatar de soi… version dessin animé. En utilisant les données envoyées et en disposant de toutes les images accessibles sur Internet, Lensa est capable de produire ces portraits sur-mesure grâce à une intelligence artificielle. Eh oui, c’est ça la magie des algorithmes. Voilà ce que ça donne :
@maiazakay THERE ARE LITERALLY SO MANY MORE COOL ONES!! 👀 should i do a PART 2?! #fyp #trend #ai #avatar #metaverse #woah #cool #art #trending #viral #greenscreen ♬ BILLIE EILISH. - Armani White
Néanmoins, bien que l’avatar de cette personne lui ressemble, ce n’est pas le cas pour tout le monde. En effet, à l’image de toute intelligence artificielle, Lensa présente bien plus de problèmes qu’on ne s’imagine et voici pourquoi.
La sexualisation et le manque de diversité
Alors qu’il est demandé de ne télécharger que des selfies et des portraits resserrés de son visage, l’application produit tout de même des corps sexualisés. Dans The Cut, la journaliste Mia Mercado souligne que tous les avatars faits par Lensa ont d’énormes seins et en effet, ce n’est pas faux.
Il suffit d’y prêter attention et on remarque tout de suite que la majorité des femmes ont des poitrines liftées, une taille fine, des bras fins et des habits sexy. Chez les hommes, on trouve évidemment des torses bombés, des bras musclés, des cous épais, une mâchoire bien définie et une chevelure fournie.
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Sans oublier que tous les avatars ont la peau lisse, du highlighter là où il faut, une coiffure soignée… Bref, tout sauf les détails qui font de nous les humain·e·s que nous sommes. Inévitablement, cela rappelle les films Disney ou encore les anime, qui ont longtemps été accusés d’accentuer la misogynie et le racisme en montrant uniquement des corps blancs et sexualisés.
Mon expérience personnelle
Bien évidemment, je ne pouvais pas écrire cet article sans essayer l’application par moi-même. Je dois avouer que j’ai été positivement surprise par le résultat et par la similitude de certains traits de mon visage.
© Lensa
Néanmoins, j’ai aussi été marquée par les clavicules saillantes et les bras affinés qu’arboraient les avatars. Cela ne m’a pas touchée car je n’avais fourni que des photos de mon visage. J’ai toutefois noté que l’esthétique manga éclaircissait ma peau et affinait mes traits…
© Lensa
Mais heureusement, ce n’est pas la même chose pour tout le monde. Dans le cas de cette tiktokeuse, elle souligne la belle représentation qu’a réussi à reproduire l’application :
@boberryvip Some of these look like me, some don’t, but I think all of them are super cool. 😊🦾🖌#aiart #aiarttrend #lensa #lensaapp #plussizeedition #plussize #fat #fatandfierce ♬ Level Up - Ciara
Conclusion à double tranchant
Bien évidemment, étant donné que le principe même est de créer des images fictives qui nous propulsent dans des contrées inconnues comme l’espace ou une forêt maritime en 2070, c’est normal que le résultat ne soit pas une copie conforme de la réalité. Mais à quel point ces images nous font-elles du bien ?
Dans un monde noyé de réseaux sociaux, l’image de soi est à chaque fois plus aux dépens du regard des autres. Le problème de cette tendance est que c’est bel et bien une… tendance. Qui dit “tendance” dit “réseau social”. Qui dit “réseau”, dit “regard des autres”.
En distordant nos corps, en appliquant des canons occidentaux, grossophobes et des biais racistes, cette tendance nuit profondément à l’image que certaines personnes ont d’elles-mêmes, et aux représentations. Évidemment, pour les personnes qui cochent les cases des normes de beauté, c’est plutôt un ego boost, mais pour les autres, le ressenti est différent.
Attention. Le problème vient du fait que Lensa collecte des données disponibles sur Internet sans aucun filtre et donc réapplique ce dans quoi nous baignons déjà : la sexualisation du corps des femmes et les biais racistes. Lensa n’est finalement que le reflet de notre société.
C’est pour cette raison que beaucoup voient cette nouvelle tendance à la fois comme une expérience divertissante (certes) et comme un retour en arrière, dans des anciens codes de beauté dont nous essayons de nous défaire.
Des questionnements persistent
Étant donné que Lensa utilise les données qu’il y a sur Internet, il n’est pas surprenant qu’elle se calque sur une multitude d’œuvres d’art disponibles dans le monde numérique, notamment sur des sites comme DeviantArt, Pinterest ou ArtStation.
En effet, lorsqu’on regarde attentivement, nombreux sont les avatars qui laissent entrevoir des similitudes avec des œuvres d’artistes renommé·e·s. Imaginez donc la quantité d’artistes moins connu·e·s, exploité·e·s par l’app et qui méritent reconnaissance. Mais aucun·e n’est rémunéré·e ou crédité·e. Certain·e·s internautes ont même détecté la présence de signatures d’artistes :
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La communauté artistique a poussé un gros coup de gueule contre les intelligences artificielles créatives et le flou juridique. Il est important de noter que toutes les images soumises à Lensa sont gravées dans le système à jamais afin de perfectionner les algorithmes.
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Dans sa politique de confidentialité, l’équipe de Lensa précise qu’“afin d’améliorer Lensa, vous nous accordez une licence révocable dans le temps, non-exclusive, libre de droits, mondiale, entièrement payée, transférable et sous licence dans le but d’utiliser, reproduire, modifier, distribuer, créer des dérivés des œuvres de votre contenu d’utilisateur, sans aucune compensation supplémentaire.” Ça vaut donc le coup de se poser deux fois la question avant de soumettre des photos à l’application.