Mise en scène ou réalité ? Retour sur l’une des photos les plus célèbres au monde, prise par Robert Capa lors de la guerre civile espagnole.
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Après avoir révélé les secrets du célèbre portrait d’Albert Einstein, les dessous de l’effroyable image du Falling Man ou encore ceux de l’incontournable Lunch Atop a Skyscraper, nous levons aujourd’hui le voile sur une image qui a marqué l’histoire du photojournalisme : Mort d’un soldat républicain. En 1936, durant la guerre civile espagnole qui opposait les nationalistes de Franco aux républicains, le photographe Robert Capa, âgé d’à peine 22 ans à l’époque, décide de partir couvrir l’événement.
S’il soutient les républicains, Capa a pour seule arme son appareil photo en bandoulière. Le 5 septembre 1936, alors qu’il suit depuis quelques mois déjà les troupes républicaines, il capture une image qui deviendra un symbole de la guerre civile espagnole : dans les tranchées d’un combat à Cerro Muriano, il saisit la mort de Federico Borrel García, un anarchiste républicain.
La photo poignante montre la chute d’un homme et témoigne de l’absurdité de la guerre. Ce cliché, pris à un instant décisif, est légèrement coupé en bas et à gauche. Cette petite imperfection montre que le photographe n’a pas eu le temps de soigner son cadrage, précipité par l’urgence de la situation. Robert Capa a rapidement fait parvenir ses images à l’agence Vu, sans avoir pu les regarder au préalable. La photo sera publiée le 23 septembre 1936 dans le magazine Vu et donnera à Robert Capa une incroyable notoriété, lui ouvrant la voie pour une immense carrière de photojournaliste.
Une mise en scène ?
Toutefois, quatre-vingts ans après, de nombreux doutes persistent autour de ce cliché qui, pour beaucoup de spécialistes, ne serait qu’un montage ou une mise en scène. En effet, en 1975, un journaliste et historien britannique soutient que la photo ne correspondrait pas à la réalité. L’image n’aurait pas été prise à Cerro Muriano, mais aux alentours d’Espejo, à 50 km au sud-ouest du champ de bataille, où il n’y avait pas d’affrontements. Durant plusieurs décennies, experts et historiens se sont interrogés sur la véracité de cette image, impossible à démontrer puisque le négatif aurait disparu.
Les dernières études en date estiment que l’image ne serait qu’une mise en scène, ce qui limite grandement son intérêt historique comme document fidèle, témoin de la guerre civile espagnole. Cependant, par le pouvoir de sa composition et par la force qu’elle dégage, l’image n’en perd pas de sa valeur artistique. Mise en scène ou non, elle parvient à rendre compte de l’horreur de la guerre. Le seul véritable problème autour de cette image est qu’elle nous a été présentée comme un témoignage du réel, chose qu’elle n’est visiblement pas. Nous pouvons alors nous demander : l’artiste peut-il arranger le réel pour faire passer un message à travers son œuvre ? Vous avez quatre heures.