En plus de saouler vos amis, poster des photos de vos enfants sur Internet peut être risqué

En plus de saouler vos amis, poster des photos de vos enfants sur Internet peut être risqué

L’association de protection pour l’enfance Innocence en danger a récemment mené une campagne qui questionne le partage des photos de mineurs sur Internet. L’occasion de se pencher sur ce sujet de société qui touche de plus en plus de monde. 

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À l’heure où tout le monde publie des photos sur les réseaux sociaux, nous pouvons nous questionner sur nos usages et leurs limites. Notamment quand ces publications peuvent avoir des conséquences sur la vie d’autrui, comme c’est le cas lorsqu’un parent publie des photos de ses enfants. Nous pouvons donc à juste titre nous demander : faut-il publier des images de sa progéniture sur les réseaux sociaux ?

C’est la question que s’est posée l’association pour la protection de l’enfance Innocence en danger qui a récemment partagé une campagne intitulée More followers for your kids ? Share smart !, qui signifie en français : “Plus d’abonnés pour mes enfants ? Partagez intelligemment !” La campagne met en scène une femme tellement subjuguée par une photo de sa petite fille qu’elle décide de l’afficher partout dans l’espace public et de brandir son image dans la rue pour attirer l’attention. La vidéo se termine lorsque de grands méchants habillés tout en noir tombent par hasard sur son image avec un air maléfique.

Si dans un premier temps la campagne peut sembler exagérée par son côté manichéen, elle soulève tout de même des questions intéressantes sur les risques liés à ces partages. Il y a un an, la gendarmerie nationale lançait un message de prévention sur sa page Facebook en invitant les parents à être prudents lorsqu’ils partageaient des images de leurs enfants. Mais alors, quels sont ces véritables dangers auxquels pourraient être exposés vos enfants si vous confondez timeline Facebook et votre album de famille ?

Tout d’abord, on peut effectivement se demander ce que des personnes mal intentionnées pourraient faire de ces images souvent associées à d’autres informations comme le nom, le prénom ou la géolocalisation. Nous pouvons évidemment penser au pire comme la pédophilie ou le kidnapping. Mais d’autres dérives comme le phishing d’information représentent aussi de véritables risques.

Nous l’avons découvert récemment, les outils de reconnaissance faciale sont devenus si puissants qu’il est désormais possible de retrouver l’identité d’inconnus en prenant simplement des photos à la sauvette. Comme l’explique Laurence Bee, auteure de Mon enfant dans la jungle des réseaux sociaux, dans L’Express, c’est parce qu’on ne sait pas vraiment de quelles manières pourront être utilisées nos données qu’il faut rester vigilant :

“C’est justement la part d’inconnu qui doit guider notre comportement. Nous manquons de recul sur les pratiques numériques. Nous ne savons pas dans quel contexte et par qui toutes ces données pourraient être utilisées. Les photos peuvent être partagées, repartagées, commentées par des personnes plus ou moins proches. Les paramètres de confidentialité changent souvent. Cela nous échappe et c’est cette viralité des images qui doit nous pousser à la vigilance.”

“On leur crée déjà une empreinte numérique”

Au-delà des dangers, nous pouvons aussi nous poser une question plus morale : celle du consentement. Ces futurs adultes ont-ils envie d’être exposés sur Internet ? Les générations précédentes ont grandi avec le numérique, elles ont vu Internet éclore devant leurs yeux et ont choisi de s’exposer ou non. Poster des images de ses enfants, c’est quelque part leur ôter une liberté : celle de choisir. C’est ce qui dérange principalement Vanessa Lalo, psychologue des médias numériques, toujours dans l’Express :

“Ce qui me gêne, c’est qu’on prive les enfants de la possibilité de rester anonymes. En publiant ces photos, on les oblige à devenir visibles. On leur crée déjà une empreinte numérique.”

Comme l’explique Christiane Feral-Schuhl, une avocate spécialisée dans le droit d’Internet à Télérama, l’article 9 du Code civil explique que les parents sont les responsables légaux de leurs enfants, ils sont totalement décisionnaires concernant leur droit à l’image. Cela signifie-t-il que les parents ont le droit de poster tout et n’importe quoi jusqu’à la majorité de leur progéniture ? L’avocate nuance ses propos :  

“Oui, mais uniquement tant que le cliché ne nuit pas à la personne photographiée et qu’il ne l’expose pas dans une situation ouvertement ridicule […]. En France, s’il y a ouvertement volonté de nuire, la responsabilité des parents est mise en cause et cela relève du droit pénal.”

Jusqu’à 45 000 euros d’amende

D’après l’article 226-1 du Code pénal, publier la photo de quelqu’un sans son consentement est passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Concernant ce sujet, des premiers cas d’école commencent à émerger, comme l’histoire d’une jeune Autrichienne de 18 ans qui a été obligée de porter plainte contre ses parents qui lui faisaient “vivre un enfer” puisqu’ils auraient partagé plus de 500 photos d’elles en l’espace de sept ans. Des images d’elle nue ou aux toilettes que ses parents auraient refusé de supprimer malgré ses multiples demandes.

D’autres parents, plus à l’écoute, estiment que partager des photos de leurs enfants sur les réseaux peut aussi être une manière de les éduquer peu à peu aux médias et aux réseaux sociaux. Si la pratique est encadrée d’un dialogue et qu’aucune image compromettante n’est postée, le partage d’images peut aussi permettre d’expliquer et d’impliquer les enfants dans cet univers numérique, qu’ils devront rapidement apprendre à maîtriser.

Quoi qu’il en soit, même si nous ne savons pas vraiment s’il est moral ou non de partager des photos de mineurs sur les réseaux sociaux, une chose est sûre : spammer les timelines de votre entourage avec des images de vos rejetons risque d’en fatiguer plus d’un.