Quand elle s’est réveillée un dimanche matin, le 27 septembre dernier, la photographe Rebecca Topakian a cru à un mauvais rêve. Une nouvelle venait de tomber : l’Azerbaïdjan avait attaqué l’Arménie et plus précisément la région du Haut-Karabagh. Cette petite-fille de survivant du génocide arménien a vu l’armée déployée dans son pays et entendait des nouvelles de ses ami·e·s, prêt·e·s à prendre les armes. Ce jour-là, l’Azerbaïdjan a déclaré la guerre à l’Arménie et au Haut-Karabagh.
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Cette attaque subite découle d’une situation déjà alarmante qui se profilait depuis des années et qui montait en puissance depuis le printemps de cette année, entre la Turquie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Les conflits entre les pays avaient déjà fait de nombreuses victimes, de part et d’autre, dans les années 1990, au moment de la dislocation de l’Union soviétique, lorsque le Haut-Karabagh luttait pour son indépendance et son union à l’Arménie.
© Nazik Armenakyan
En 2016, la guerre des Quatre Jours éclate suite à une attaque azerbaïdjanaise. En 2020, une “guerre d’envergure”, selon les mots du Premier ministre arménien, se prépare et débute en septembre. “J’ai tout de suite compris la gravité de cette attaque. J’étais déjà très inquiète depuis le printemps concernant la montée de ‘l’arménophobie’ dans le monde turcophone. […] Le président turc Erdogan a décidé d’unir son peuple derrière la haine ethnique, envers les Kurdes et les Arméniens, principalement”, confie l’artiste arménienne.
Une situation alarmante
De nombreux actes haineux se sont produits, des assassinats ou des incendies d’églises, ravivant les plaies des nombreux crimes de guerre commis par l’Azerbaïdjan dans le passé, comme “l’usage de bombes à fragmentation (interdites selon le droit international) ; le bombardement des civils […] ; la torture des prisonniers de guerre […] ; l’exécution et l’humiliation, parfois filmée, de civils”.
© Gilles Saussier
En juillet, le président turc a attesté “vouloir finir le génocide” arménien. Allié au président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, Erdogan a la volonté de rassembler les peuples turciques et de gommer l’Arménie du globe pour permettre cette réunion. L’Azerbaïdjan profite des moyens militaires massifs turcs, de combattants syriens pro-Ankara envoyés sur la zone du conflit et d’armes d’Israël, face à un ennemi affaibli.
“Ce n’est pas qu’une guerre pour un territoire, il s’agit d’une volonté de nettoyage ethnique. Dans la région du Nakhitchevan, historiquement peuplée d’Arméniens et appartenant à l’Azerbaïdjan, un génocide culturel a été opéré : toutes les églises, cimetières et lieux historiques culturels arméniens ont été rasés.
L’Arménie, pays pauvre et sans ressource, avec une population de trois millions d’habitants, se trouve obligé de se battre pour son existence et pour protéger son héritage contre un pays riche de dix millions d’habitants, soutenu par le géant turc. L’Arménie n’a aucune ressource à offrir aux pays occidentaux pour qu’ils s’y intéressent et se bat seule contre des géants riches et armés.
Une vaste opération de propagande et de lobbying essaie de donner l’image d’une ‘simple’ guerre entre deux parties égales, entre deux armées, pour un territoire. En réalité, ce qu’il se joue ici est beaucoup plus grave : les soldats arméniens sont des civils qu’on a habillés en vitesse pour éviter un génocide et un nettoyage ethnique”, nous explique la photographe.
© Jean-Philippe Bourcart
Une vente de photos pour venir en aide au peuple arménien
Face à cette situation alarmante, elle a décidé d’organiser une vente solidaire de tirages, intitulée “Photographes pour la paix”, organisée en collaboration avec l’Union générale arménienne de bienfaisance (un organisme officiel, créé après le génocide de 1915) et l’association du Fonds arménien de France, ainsi qu’une centaine d’artistes arménien·ne·s ou français·es.
Tous les bénéfices iront à l’association reconnue du Fonds arménien de France, qui vient en aide sur place aux populations du Haut-Karabagh. Pendant un mois, à compter du 27 octobre 2020, chaque tirage sera disponible dans la limite de dix exemplaires numérotés, au format 20 sur 30 centimètres avec une marge blanche.
Les photographes Lucile Boiron, Nazik Armenakyan, Mathieu Asselin, Dana Cojbuc, Philippe Chancel, Nolwenn Brod, Mathias Depardon, Alexis Pazoumian, Denis Dailleux, Yohanne Lamoulère, Samuel Gratacap, SMITH, Marie Rouge, ou encore Rebecca Topakian participent à cette initiative, entre autres noms. Le but de cette vente est avant tout un appel à la paix et une volonté de lever le voile sur une guerre silencieuse, peu médiatisée, qui ravage l’Arménie.
© Anahit Hayrapetyan
© Mathieu Asselin
© Dana Cojbuc
© Denis Dailleux
© Stefano De Luigi
© Mathias Depardon
© Bérangère Fromont
© Yohanne Lamoulère
© Julien Lombardi
© Adrien Selbert
© Eleonora Strano
© Rebecca Topakian
© Emilie Traverse
© Nolwenn Brod
Vous pouvez acheter des tirages jusqu’au 27 novembre 2020, ici.