Le nom de Vincent van Gogh charrie un flot de légendes et d’images. On pense à sa Nuit étoilée, à ses tournesols, à sa personnalité torturée, lui qui est qualifié de “peintre maudit”, et bien entendu à son oreille, apparemment coupée dans un accès de folie après s’être disputé avec son collègue artiste Gauguin et que son frère Théo lui ait annoncé ses fiançailles.
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Ce que l’on sait de sa vie et de sa personne provient de sa grande œuvre picturale, riche d’environ 2 000 toiles et dessins, mais aussi de son importante correspondance avec ses proches. L’artiste aurait envoyé près d’un millier de lettres au long de sa courte vie (il s’est suicidé à 37 ans), dont au moins 650 adressées à son frère Théo.
Une lettre de 1888 adressée à Théo van Gogh. Vincent van Gogh y avait intégré une nature morte. (© Musée Van Gogh)
En 2014 sortait Ever Yours: The Essential Letters, une anthologie de 800 pages rassemblant sa correspondance. Récemment, Nienke Bakker, Leo Jansen et Hans Luijten, trio travaillant au musée Van Gogh, ont sélectionné un nombre réduit de ces lettres (environ un dixième) et les ont rassemblées dans un livre, Vincent van Gogh: A Life in Letters, permettant de rentrer dans l’esprit torturé d’un peintre marquant du XIXe siècle. L’ouvrage est également émaillé de reproductions de ses tableaux, particulièrement réussies.
Les éditeurs ouvrent le livre en dressant le portrait de cet homme solitaire, dont l’apparence reflétait les états d’esprit : “Il avait un tic facial et ses mains semblaient être constamment en mouvement. Les gens avaient souvent peur de lui à cause de son apparence un peu sauvage et débraillée et de sa manière, très intense, de parler.”
Lettre adressée à Émile Bernard en 1888. Vincent van Gogh y avait dessiné le pont Langlois. (© Musée Van Gogh)
Le Washington Post ajoute que Vincent van Gogh donnait très certainement “toujours l’impression d’avoir raison”, de sorte qu’il devait être “aussi exaspérant qu’un cousin à moitié ivre et trop sûr de lui à la table de Noël”. L’opinion est bien sûr personnelle mais, à la lecture des lettres de Van Gogh, celui-ci finira sûrement par paraître aussi proche qu’un cousin, tantôt désagréable, tantôt attachant.
Des angoisses souvent parsemées d’humour
Ces morceaux choisis de correspondances sont une incursion dans la psyché et les pensées qui traversaient l’artiste. On y lit ses angoisses, souvent liées à l’argent, sa passion pour l’art, ses relations avec d’autres peintres et son lien indéfectible avec son frère Théo, son soutien financier et psychologique : “Oh Théo, lui écrit-il en 1883, je créerais tellement plus si j’avais un peu plus de sous”.
Le Washington Post note également ses soubresauts d’humeurs et d’idées : “Un des rêves récurrents du peintre le long de sa correspondance est de déménager à la campagne ou, s’il se trouve déjà à la campagne, d’aller dans une autre campagne pour trouver un studio moins coûteux et où la nourriture serait meilleure et moins chère.” Vous vous en doutez, Vincent van Gogh était bien taureau.
Les lettres suivent les aléas compliqués de son existence et de son état psychique. En 1889, après neuf mois passés dans un asile, il écrit à son frère avec ironie et poésie : “J’essaie d’aller mieux maintenant, comme quelqu’un qui, après avoir voulu s’ôter la vie, a finalement trouvé que l’eau était trop froide et essaie de se rapprocher du bord.” Cet effort vital n’aura pas duré : en 1890, il se tire une balle dans la poitrine.
Vincent van Gogh: A Life in Letters, de Nienke Bakker, Leo Jansen et Hans Luijten, est disponible aux éditions Thames and Hudson.