Entre novembre 2020 et avril 2021, le photographe Mathias Zwick a consacré ses samedis soirs aux travailleurs et travailleuses du monde de la nuit, mis·e·s au repos forcé à cause de la pandémie. Pendant ces longs mois de fermeture des clubs, le photographe a rencontré des propriétaires de boîtes de nuit “dans leur établissement”, ainsi que des “DJ, danseurs, barmaids, physionomistes chez eux”.
À voir aussi sur Konbini
Mathias Zwick a pris leur portrait, notant une constante en écoutant leur désarroi. “Deux salles, même ambiance : morose.” Les pistes désertes, les regards las, les lumières des néons et des boules à facettes qui n’éclairent plus personne – chaque détail vient souligner les difficultés, à différents degrés, rencontrées par les acteur·rice·s du monde de la nuit.
311e nuit de fermeture. Christophe Schaendel, DJ et propriétaire de l’Acropole à Strasbourg, a sorti sur les réseaux sociaux le morceau “Résistance : sans discothèque… pas de fête !” afin d’exprimer la colère et la détresse des patron·ne·s de boîtes : “Je ne suis pas le genre à monter à Paris pour casser des vitrines. Je prends les armes qui sont les miennes, la musique.” Les difficultés qu’il rencontre ne sont pas qu’économiques. Elles sont aussi psychologiques. Christophe ne cache pas être allé consulter plusieurs fois un psychologue. (© Mathias Zwick/Inland Stories)
“L’impossibilité de travailler n’a pas que des conséquences économiques désastreuses, elle engendre aussi une grande détresse psychologique”, note le photographe. Avec son projet, La Fièvre du samedi soir, Mathias Zwick met en exergue la souffrance mais aussi la “colère” qui, au fil des semaines, “[montait] chez certains”, face au fait que “les discothèques [étaient] les seules entreprises qui [n’avaient] pu rouvrir leurs portes entre les deux confinements nationaux”.
Le monde de la nuit en péril
Au printemps 2021, l’artiste soulignait les prévisions du Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs (le SNDLL), qui estimait que “près d’un tiers des 1 600 discothèques de France pourrait déposer le bilan [sans] réouverture dans les mois [à venir]“.
Redhana est gogo-danseuse et effeuilleuse à temps plein. De son salon, elle démarre un live pour les abonné·e·s de ses réseaux sociaux. Instagram et MYM (Meet Your Model – une plateforme payante de mise en relation de personnalités avec leurs fans) lui permettent de régler quelques factures et sont le dernier moyen qu’elle a pour exprimer son art devant un public : “S’il n’y a plus d’Insta et plus de MYM, il n’y a plus de Redhana.” (© Mathias Zwick/Inland Stories)
L’annonce, lundi 6 décembre 2021, de la fermeture des boîtes de nuit pour une durée de quatre semaines, jusqu’au 7 janvier 2022, portait un nouveau coup aux gérant·e·s et salarié·e·s de clubs.
En réaction, une quarantaine de boîtes de nuit faisant partie du collectif Culture Bar-Bars partageait un communiqué, dénonçant “l’incohérence de la fermeture des clubs cultures et discothèques” et espérant revoir les couleurs de la nuit en 2022.
265e nuit de fermeture. Au bord d’une route traversant les bois embrumés de la campagne alsacienne, plus aucune voiture ne s’arrête sur le parking du Manhattan. Cette discothèque a été ouverte par la famille Stoeffel en 1982. (© Mathias Zwick/Inland Stories)
Le fils Stoeffel, qui gère aujourd’hui l’affaire, parle d’un club familial et multigénérationnel : “Les plus anciens, pour beaucoup, ont rencontré leur épouse dans la discothèque.” Les coups de foudre sur la piste de danse et les premiers baisers sous la boule à facettes vont devoir attendre encore un peu […] (© Mathias Zwick/Inland Stories)
265e nuit de fermeture. À minuit, un samedi, la piste du Manhattan est déserte. Un message défile sur un écran lumineux : “Merci de votre visite bonne nuit.” (© Mathias Zwick/Inland Stories)
Vous pouvez retrouver le travail de Mathias Zwick sur son site et sur son compte Instagram. Le collectif Inland Stories est à retrouver ici.