On a demandé à une IA de sublimer nos dessins tout cheum

On a demandé à une IA de sublimer nos dessins tout cheum

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© Fonds Frida Kahlo ; Le Louvre/Diffuse the rest/Konbini

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Par Lise Lanot

Publié le

De la Joconde au Cri de Munch, on a tenté de recréer les grands chefs-d’œuvre de la peinture en demandant à une intelligence artificielle de les terminer.

On n’est pas farouches ici. On n’a pas de limites et on hésite pas à mouiller le maillot pour vous proposer la crème de la crème de l’Internet. Après avoir testé l’intelligence artificielle supposée nous rendre sublimes, réinterprété des chefs-d’œuvre de l’art pictural à l’aide de mots et interrogé la propriété intellectuelle des œuvres générées par IA, nous voici parties, bille en tête, pour devenir des stars du crayon numérique grâce à l’intelligence artificielle. 

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Et c’est le projet Diffuse The Rest (partie de la plateforme Stable Diffusion) qui devrait nous permettre de devenir les Frida Kahlo du XXIe siècle. Pour ce faire, rien de bien compliqué, il suffit d’esquisser ce qu’on peut – avec le pavé tactile d’un ordinateur portable et le peu de talent dont le Ciel nous a fait don – et de donner un peu plus d’informations à l’algorithme grâce à une description textuelle, ici appelé “prompt”.

Reproduction de l’Autoportrait au collier d’épines et colibri de Frida Kahlo, réalisée avec la description : “Une femme avec un chat et un singe”. (© Musée des Beaux-Arts, Boston/Diffuse The Rest/Konbini)

J’ai mis un peu de temps à me faire la main et à découvrir plusieurs règles. Déjà, pas d’excès de zèle. En me lançant dans mes reproductions de grandes œuvres, je me suis vite rendu compte qu’il ne valait mieux pas ajouter trop d’éléments à mes essais au risque de noyer l’algorithme et tout faire échouer. 

Oubliées la moue énigmatique de La Joconde, les ronces enserrant le cou de Frida Kahlo et les deux silhouettes derrière le crieur de Munch. L’intelligence artificielle va droit au but et ne peut s’embarrasser de ce qu’elle considère bien vite comme des fioritures. Même chose pour les phrases, l’ambiance n’est pas à La Recherche du temps perdu mais plutôt aux haïkus – au contraire de Dall-E qui a accueilli les envolées lyriques de ma rédactrice en chef avec joie.

Reproduction de La Joconde de Léonard de Vinci, réalisée avec la description : “Femme souriante devant une rivière et des arbres”. (© Musée du Louvre/Diffuse The Rest/Konbini)

Les résultats sont parfois un peu décevants, surtout lorsque l’intelligence artificielle génère une photo plutôt qu’un dessin amélioré. Je le prends un peu personnellement. Est-ce qu’un algorithme est en train de me dire que je dessine tellement mal qu’il ne peut rien faire pour moi ?

Reproduction du Cri d’Edvard Munch, réalisée avec la description : “Un homme crie sur un pont au-dessus d’une rivière”. (© Nasjonalgalleriet, Oslo/Diffuse The Rest/Konbini)

Les résultats semblent davantage être générés d’après les descriptions textuelles que d’après mes dessins, qui ne servent que de bases lointaines – pour connaître le nombre de fleurs que je veux voir dans un vase par exemple. Finalement, c’est surtout en essayant de reproduire les tableaux que je m’amuse, et pas tellement en découvrant les images générées par Diffuse The Rest.

Reproduction des Tournesols de Vincent van Gogh, réalisée avec la description : “Tournesols dans un vase”. (© National Gallery, London/Diffuse The Rest/Konbini)

Déceptions et “biais sociétaux”

Pendant mes essais, une mention indiquée en bas de la fenêtre attire mon attention. Elle avertit les internautes que le modèle peut “produire du contenu qui renforce ou exacerbe des biais sociétaux ainsi que des visages réalistes, de la pornographie ou de la violence”.

Ce genre de mention accompagne la grande majorité de ces sites. Une nécessité liée au fait que la technologie et les intelligences artificielles, complètement imprégnées des problématiques de nos sociétés humaines, font souvent preuve de racisme

Réalisé avec la description : “Un homme portant un T-shirt”. (© Diffuse The Rest/Konbini)

Début 2020, Kate Crawford, une chercheuse et professeure spécialisée dans l’intelligence artificielle, et Trevor Paglen, artiste et chercheur, organisaient d’ailleurs une exposition sur le sujet à Milan, afin de démontrer à quel point “la façon dont les humains sont représentés, interprétés et codifiés selon les données d’entraînement [de l’IA], et comment les systèmes technologiques cultivent, étiquettent et utilisent ces données”. 

Chez Diffuse The Rest, tout personnage semble être forcément blanc. À titre d’exemple, il est nécessaire d’indiquer “un homme noir” plutôt qu’“un homme” dans les descriptions textuelles afin de sortir de l’idée, imposée par l’algorithme, que la norme est la blanchité. 

Une fois encore, l’expérience nous a surtout rappelé l’importance de déconstruire les contenus liés à l’intelligence artificielle plus qu’elle ne nous a coupé le souffle. En attendant, je vais aller prendre des cours de dessin, ce sera peut-être moins rapide, mais plus efficace. 

Réalisé avec la description : “Un homme noir portant un T-shirt”. (© Diffuse The Rest/Konbini)

Reproduction de Nighthawks d’Edward Hopper, réalisée avec la description : “Un homme et une femme dans un bar”. (© The Art Institute of Chicago/Diffuse The Rest/Konbini)

Réalisé avec la description : “Main aux longs ongles rouges et bague dorée”. (© Diffuse The Rest/Konbini)