D’octobre 2016 à juillet 2017, une coalition formée par les forces gouvernementales irakiennes, les peshmergas kurdes et des milices religieuses (chiites, sunnites et chrétiennes) ont tenté le tout pour le tout pour reconquérir Mossoul, la deuxième ville la plus importante d’Irak, tombée aux mains de l’organisation État islamique, qui en avait fait son fief depuis la première bataille de juin 2014.
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La reprise de la ville par la coalition, célébrée à l’échelle internationale, ne peut cependant occulter les milliers de mort·e·s et de blessé·e·s de ces conflits incessants. Entre 2016 et 2018, Ivor Prickett a passé plusieurs mois aux côtés des combattants civils et des habitant·e·s de Mossoul, afin de documenter cette liberté peu à peu recouvrée :
“J’ai passé plus d’un an à photographier la campagne militaire visant à récupérer [Mossoul,] la deuxième plus grosse ville d’Irak, le plus souvent embarqué avec les forces spéciales irakiennes. J’ai documenté les combats, évidemment, certains des plus violents depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais j’ai toujours senti que ma fonction la plus importante était d’amplifier les récits d’individus dont les vies ne sont remplies que de tourmente incessante et de tragédies”, a-t-il expliqué à Visa pour l’image.
Un jeune garçon non identifié est transporté hors de la dernière zone de la vieille ville contrôlée par l’État islamique […]. Les soldats soupçonnent l’homme qui le porte de l’utiliser comme un bouclier humain pour tenter de s’enfuir en toute sécurité : il ne connaît pas le nom de l’enfant et déclare l’avoir trouvé seul dans la rue. Un des soldats a accepté d’adopter le garçon étant donné qu’on ne savait rien de lui et qu’il ne parlait pas. (© Ivor Prickett/Steidl)
Un travail au large spectre
Le photojournaliste indépendant s’est concentré sur la dimension humaine de ce conflit : “Prises en première ligne, ses images documentent de façon fascinante et sincère l’expérience de se sentir ‘pris entre des tirs croisés’, qu’on soit soldat ou civil”, décrit son éditeur.
Des civil·e·s qui étaient resté·e·s dans l’ouest de Mossoul pendant les batailles de reconquête de la ville font la queue lors d’une distribution d’aide à la population dans le quartier de Mamun. Après des mois à être bloqué·e·s dans les dernières zones occupées par Daech, les habitant·e·s de l’Ouest de Mossoul manquaient d’eau et de nourriture. Celles et ceux qui ont décidé de rester dans la ville plutôt que de rejoindre un des nombreux camps pour personnes déplacées ont dû dépendre de ces aides pour survivre. Photo prise le 15 mars 2017. (© Ivor Prickett/Steidl)
Le photographe a braqué son objectif sur les combattants en pleine action mais aussi sur les moments de désespoir, les blessures et mutilations, ainsi que sur le travail des volontaires chargés de retrouver les nombreux cadavres ensevelis sous les décombres de la vieille ville.
Les victimes civiles ne sont pas non plus en reste. Ivor Prickett a documenté leur résilience au milieu des tragédies qui ponctuent leur quotidien depuis plusieurs années. Si de simples images ne pourront jamais pleinement exprimer toutes les atrocités vécues à Mossoul, le travail du photographe irlandais tente de montrer, sans misérabilisme ni froideur, les existences de ces Irakien·ne·s de tout âge, toute confession et tout statut.
Mohammed Sheko, 25 ans, nourrit son camarade des Forces démocratiques syriennes (FDS), Salah Al Raqawi (18 ans), dans un hôpital réservé aux combattants des FDS dans une zone kurde de la Syrie. Les deux hommes ont été blessés récemment lors de leur combat contre Daech. Photo prise le 13 octobre 2017. (© Ivor Prickett/Steidl)
Des étudiant·e·s discutent dans une partie partiellement réparée de l’université de Mossoul, lors de la pause déjeuner. La prestigieuse université a été fortement endommagée lors de la bataille de reconquête de la ville, plus tôt dans l’année. Photo prise le 12 mars 2017. (© Ivor Prickett/Steidl)
Nadhira Aziz regarde les travailleurs de la défense civile irakienne déterrer les corps de sa sœur et de sa nièce près de sa maison de la vieille ville où celles-ci ont été tuées par des frappes aériennes, en juin 2017. À la fin de la bataille, à Mossoul, plus de 9 000 civil·e·s auraient été tué·e·s et la reconstruction de la ville coûtera des milliards de dollars. Photo prise le 16 septembre 2017. (© Ivor Prickett/Steidl)
Certaines personnes fuient le quartier récemment libéré d’Al Sukar tandis que d’autres y retournent, traversant le pont détruit qui relie cette zone au reste de Mossoul est. Depuis que les forces irakiennes ont repris le contrôle de la ville, le nombre de personnes qui fuient complètement a légèrement baissé et les gens déménagent davantage simplement au sein de la ville. (© Ivor Prickett/Steidl)
Un groupe de volontaires œuvre à rassembler des corps non identifiés (la plupart d’entre eux sont suspectés d’être des combattants de Daech) sur les ruines de la vieille ville, lieu de la dernière bataille. Plus de huit mois après la fin des combats, les responsables officiels pensent que des centaines de corps pourraient gésir sous les décombres. (© Ivor Prickett/Steidl)
Eissa al-Ali et sa famille retournent dans leur maison à Raqqa. Les deux derniers niveaux de l’immeuble à trois étages, construits par la famille élargie pendant des décennies, ont disparu, gommés par des frappes aériennes. Photo prise le 13 juin 2018. (© Ivor Prickett/Steidl)
Un soldat des forces spéciales irakiennes tire sur des miliciens de Daech depuis une base de défense située au bord du quartier de Rifai, dans l’ouest de Mossoul. À ce moment-là, après plus de six mois de combats de rue éreintants, les militants de Daech étaient presque complètement encerclés dans ce quartier de l’ouest de la ville. Photo prise le 19 mai 2017. (© Ivor Prickett/Steidl)
Couverture d’<em>End of the Caliphate</em>. (© Ivor Prickett/Steidl)
End of the Caliphate d’Ivor Prickett est disponible aux éditions Steidl.