Chose promise, chose due : le Tulips Bouquet de Jeff Koons a été inauguré vendredi dernier à Paris. Un an après les attentats du 13 novembre 2015, l’artiste le plus bankable du moment avait annoncé qu’il offrirait une sculpture en soutien aux victimes.
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Cette œuvre est une sculpture d’acier et de bronze polychrome de plus de 10 mètres de haut, pèse 27 tonnes et représente une main tenant un bouquet de faux ballons de baudruche en forme de tulipes. Cette œuvre (un peu kitsch, on l’avoue) “symbolise l’optimisme, la renaissance, la vitalité de la nature et le cycle de la vie”, selon l’artiste qui s’est inspiré du Bouquet of Peace de Pablo Picasso.
Tulips Bouquet, à côté du Grand Palais, à Paris, le 4 octobre 2019. (© Thierry Chesnot/Getty Images)
Dans un tweet, Anne Hidalgo a exprimé sa joie de voir ce projet aboutir. “Un beau cadeau du peuple américain à Paris, un magnifique symbole de liberté et d’amitié. Émerveiller, émouvoir, mais aussi bousculer et faire réfléchir, c’est le rôle de l’art”, a écrit la maire de Paris.
Le projet n’était pas du goût de tout le monde, mais il est bien présent désormais dans le paysage parisien et trône à mi-chemin entre le Petit Palais et la Place de la Concorde, comme prévu. Pour Jeff Koons, le risque est de voir sa sculpture vandalisée, à l’instar de celle de Paul McCarthy “en forme de plug anal” qui n’avait pas non plus emporté l’adhésion complète du public.
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Retour sur la polémique
Fin 2016, une polémique avait éclaté : en effet, il fallait environ 3,5 millions d’euros à la ville de Paris pour financer son projet et l’artiste n’offrait que le projet, l’esquisse et non l’œuvre finie. Son geste généreux a pris des allures de cadeau empoisonné. Après l’annonce officielle, Jeff Koons voyait pourtant déjà son œuvre placée entre le Palais de Tokyo et le Musée d’Art moderne, dans le XVIe arrondissement.
Dans le milieu artistique, les langues de bois se déliaient petit à petit : on reprochait alors à Jeff Koons sa mégalomanie, son opportunisme et son côté “homme d’affaires” qui prime souvent sur l’artiste. On a usé du terme “koonseries” pour désigner les caprices de l’artiste. On ne comprenait pas pourquoi le nouvel emplacement se situait dans le XVIe arrondissement, loin des quartiers où ont eu lieu les attentats, loin du symbole.
En mai 2017, le Fonds pour Paris, un fonds privé pour la Mairie, avait déjà récolté 3,3 millions d’euros : il restait donc 500 000 euros pour compléter le financement, et cela sans parler des problèmes logistiques, c’est-à-dire, trouver un sol qui supporterait 33 tonnes de sculpture dans Paris. Fabrice Hergott, le directeur du musée d’Art moderne, était ouvert au dialogue tandis que Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo, s’y opposait sans vouloir froisser l’artiste.
Jeff Koons pose devant son œuvre Tulips Bouquet, à côté du Grand Palais, à Paris, le 4 octobre 2019. (© Thierry Chesnot/Getty Images)
La maire de Paris voulait voir le projet avancer plus vite, autant d’un point de vue artistique que diplomatique : “Vous imaginez la polémique internationale qu’aurait pu générer une position de la ville consistant à dire aux Américains : ‘Nous ne voulons pas de votre cadeau’ ?”, rapporte L’Express. Ce fut ensuite au tour de Françoise Nyssen, l’ex-ministre de la Culture, de rajouter une couche : elle a déclaré que le gouvernement aiderait la ville de Paris à trouver une issue “à la hauteur de l’enjeu symbolique”. Elle proposait ainsi le site de La Villette pour accueillir cette sculpture monumentale.
La sculpture avait fini par trouver son financement et son lieu d’exposition : Le Bouquet de tulipes sera installé au Petit Palais, avait annoncé l’adjoint au maire chargé de la culture, Christophe Girard, sur France Inter. Ce dernier a expliqué que l’artiste américain est rapidement passé à Paris et que la décision du lieu s’est faite en une journée : au Petit Palais du musée des Beaux-Arts de Paris, car “il y a là des jardins municipaux dans lesquels il y a un emplacement possible”.
L’adjoint au maire avait également insisté sur le fait que l’œuvre n’a pas été financée avec l’argent public, et que ce dernier ne servira qu’à “l’entretien” : “Et on verra avec l’État pour la protection de l’œuvre.” Dans une tribune, publiée dans Libération, plusieurs personnalités du monde des arts s’insurgeaient contre le système de financement via des mécènes privés, puisque ces derniers bénéficieraient tout de même de déductions fiscales sur leurs impôts, ce qui, par conséquent, coûtera aux contribuables français et à l’État qui ne touchera pas cet argent. Le Monde précisait cependant que les 3,5 millions d’euros n’iront pas dans la poche de l’artiste mais bien dans l’enveloppe dédiée à la construction de l’œuvre et aux ouvriers mobilisés.
Finalement, il fallait une rallonge d’environ 1 million d’euros pour la construction. L’État a pu trouver un terrain d’entente en assurant que 80 % des bénéfices perçus sur les goodies iront à des associations d’aide aux victimes des attentats de 2015. Les 20 % restants serviront pour l’entretien de l’œuvre. Et on finira cet article sur une belle remarque de Clément Jeanjean :
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