À 26 ans, l’artiste multidisciplinaire Yulia Tsvetkova était à l’origine de plusieurs initiatives artistiques et culturelles visant à instaurer un dialogue autour de thèmes LGBTQ+ et féministes. La jeune femme administrait deux groupes à thématique LGBTQ+ sur les réseaux sociaux. Elle y postait, entre autres, des illustrations “d’artistes femmes venant du monde entier” afin de parler “d’émancipation et de liberté féminine ainsi que d’affirmation de sa sexualité”.
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Ces simples comptes ont valu à la jeune Russe une assignation à résidence et une amende de 50 000 roubles (environ 726 euros). Accusée de faire de la “propagande de relations sexuelles non traditionnelles entre mineur·e·s” et de partager des contenus pornographiques (alors qu’elle avait assuré ses arrières en précisant que ses deux comptes étaient à destination des plus de 18 ans et qu’elle ne partageait que des dessins évoquant des appareils génitaux), Yulia Tsvetkova risque jusqu’à six ans de prison, précise Amnesty International.
“Toutes les accusations portées contre Yulia doivent être suspendues, son amende et son assignation à résidence doivent être annulées. Elle n’a rien fait d’autre que défendre les droits humains”, ajoute la présidente d’Amnesty, Natalia Zviagina.
En mars dernier, Yulia Tsvetkova avait déjà subi les foudres du gouvernement russe après avoir mis en scène Bleu et rose, une pièce de théâtre qui questionnait les rôles traditionnellement attribués aux genres. Bien que les parents des enfants ayant participé à la pièce affirment que cette dernière ne comportait “absolument aucune propagande ou quoi que ce soit d’inapproprié”, Yulia Tsvetkova avait dû quitter le théâtre avant que la compagnie à l’origine du projet ne soit dans l’obligation fermer.
Plus tard dans l’année, la jeune femme avait lancé une campagne body-positive intitulée “Une femme n’est pas une poupée”, comme l’explique une vidéo partagée par Radio Free Europe, une radio privée financée par le Congrès américain. La campagne mettait en avant des corps de femmes, ce qui lui a également valu des accusations de partage de contenus pornographiques.
Depuis 2013, une loi met en danger les militant·e·s LGBTQ+
Depuis 2013, le gouvernement russe a mis en place une loi interdisant la “propagande LGBTQ+”, selon laquelle il est illégal de partager du contenu concernant l’homosexualité et d’affirmer que les relations gays et hétérosexuelles sont égales. Depuis la mise en place de cette loi, les violences anti-LGBTQ+ ont doublé en Russie, rapporte Hyperallergic.
En juillet dernier, la militante Yelena Grigoryeva était retrouvée morte poignardée chez elle, après que son nom avait été inscrit sur un site prônant la “chasse aux LGBTQ+”. Avant sa mort, l’activiste avait alerté les autorités quant à cette dangereuse situation – sans résultat. La police a statué sur le fait que sa mort est survenue après une “dispute conjugale”.
En novembre de la même année, les producteurs de Real Talk – une chaîne YouTube désormais introuvable qui présente des enfants posant des questions à différentes personnes (une femme anorexique, ou encore une comédienne ayant, entre autres, travaillé dans l’industrie du X) – ont été poursuivis en justice. Les producteurs encouraient jusqu’à vingt ans de prison… pour avoir invité un homme homosexuel à répondre aux questions des enfants – dont aucune ne portait sur des sujets intimes ou relatifs au sexe. Le jeune homme interviewé affirmait même qu’il n’aimait pas la Gay Pride, parce qu’il était contre “la propagande”.
Si certaines, telles que Yulia Tsvetkova ou Yelena Grigoryeva, osent braver les interdictions érigées par le gouvernement russe, la situation y demeure extrêmement tendue et dangereuse et, par peur, de nombreuses personnes LGBTQ+ se cachent en Russie. Grâce à l’art, et malgré ses soucis judiciaires, on espère que Yulia Tsvetkova sera en mesure de poursuivre son engagement.