En 2014, les scientifiques de Surrey NanoSystems avaient marqué l’histoire en créant le noir le plus noir, le plus profond, du monde. Une couleur nommée “Vantablack” qui est composée de “nanotubes de carbone agencés verticalement et serrés les uns contre les autres comme les arbres d’une forêt, […] avec un coefficient d’absorption de 99,965 %“.
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En 2016, Anish Kapoor a obtenu la concession exclusive des droits d’utilisation de cette matière pour un usage artistique, s’attirant les foudres des autres artistes ; le hashtag #ShareTheBlack (“Partage le noir”) avait vu le jour et trois ans plus tard, l’artiste Stuart Semple avait créé un noir profond intitulé “Black 3.0” accessible à tou·te·s… à l’exception d’Anish Kapoor et ses associé·e·s.
Le Vantablack était officiellement le noir d’Anish Kapoor et le noir le plus noir du monde. Sauf qu’en 2019, ce record d’absorption a été dérobé par des chercheur·se·s de la Massachusetts Institute of Technology, qui ont inventé un “super black, dix fois plus noir que tous les noirs qui ont existé”, avec un taux d’absorption d’au moins 99,995 %.
Anish Kapoor. (© Patrick Kovarik/AFP)
Peu importe, eux n’ont pas créé d’œuvres d’art à partir de leur “ultra-noir”. Anish Kapoor va donc marquer l’histoire en produisant les premières sculptures en Vantablack – même si ce n’est plus le noir le plus noir du monde. L’exposition se déroulera à la Galleria dell’Accademia durant la Biennale de Venise de 2021 – si la pandémie du coronavirus se calme d’ici là.
Une matière très délicate à manipuler
Quelques mois après l’obtention des droits en 2016, l’artiste britannique avait tenté de recouvrir une pièce entière de ce Vantablack, mais son utilisation s’est avérée bien plus compliquée qu’elle n’y paraissait. “Imaginez-vous entrer dans une pièce où vous n’avez littéralement aucune idée des murs – où se trouvent les murs ou s’il y a des murs. Ce n’est plus une pièce sombre vide, mais un espace plein d’obscurité”, a-t-il déclaré au magazine Artforum en 2015.
Malheureusement, son projet n’a pas abouti, puisque la matière n’adhérait pas suffisamment aux surfaces des murs et objets. Les nanotubes ont besoin de fortes températures pour pouvoir être manipulés. Initialement, cette technologie de couleur devait servir à développer du matériel militaire et aéronautique, rapporte Artnet.
“Les particules se dressent comme du velours lorsqu’elles sont placées dans un réacteur. […] Lorsque les particules se tiennent côte à côte, la lumière est emprisonnée entre chaque particule”, a déclaré Anish Kapoor dans The Art Newspaper.
Vantablack. (© Surrey NanoSystems)
Les scientifiques ont fini par trouver une solution, puisque l’artiste contemporain pourra prochainement exposer des sculptures de couleur Vantablack. À la Biennale de Venise 2021 aura donc lieu la première exposition révélant des œuvres d’art de cette couleur unique.
Toutefois, le transport des œuvres risque d’être très délicat ; la surface des œuvres Vantablack est très fragile et ne doit en aucun cas entrer en contact avec des éléments extérieurs. En effet, “les nanotubes de carbone se plient très facilement et lorsqu’ils se plient, ils n’absorbent plus la lumière, détruisant les propriétés illusoires d’une œuvre sans contours”, explique Artnet.
Aux côtés de ses sculptures super-noires, il exposera de nouvelles œuvres minimalistes rouges et bleues, inspirées des sculptures qu’il avait présentées à la Biennale de 1990 et qui lui avait valu le Turner Prize de 1991 pour son concept du “vide”. Pour rappel, la seule création qu’Anish Kapoor a pu faire en simili-Vantablack était une montre en édition limitée avec les horlogers suisses MCT (pour la modique somme de 95 000 dollars).
Anish Kapoor devant une sculpture rouge “vide”. (© Jack Hems/courtesy of Lisson Gallery)