Après que la photographe Lynn Goldsmith s’est plainte de la troublante ressemblance entre l’une de ses photos de Prince et une œuvre d’Andy Warhol, la fondation de l’artiste a décidé de l’attaquer en justice.
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La meilleure défense, c’est l’attaque. C’est en tous cas ainsi que semble penser l’Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, qui a décidé de poursuivre en justice la photographe Lynn Goldsmith. Cette dernière se plaint que le pape du pop art ait utilisé une de ses photographies du musicien Prince pour l’une de ses œuvres. La rétorque de la fondation créée en l’honneur de Warhol ne s’est pas fait attendre : ce vendredi 8 avril, l’institution a décidé d’assigner en justice Goldsmith, dans le but de recevoir la confirmation judiciaire que l’utilisation des images de Prince ne portait pas atteinte à la propriété intellectuelle de Lynn Goldsmith (et ainsi empêcher la photographe de les attaquer).
Pour y voir plus clair, revenons sur les faits. En 1981, la photographe américaine Lynn Goldsmith immortalise le chanteur Prince pour une campagne publicitaire. Poursuivant sa pratique artistique en s’appropriant des éléments de la culture populaire, tels que la publicité ou les célébrités fétiches d’une époque, Andy Warhol peint en 1984 des portraits de Prince ressemblant étrangement à la photo de Goldsmith.
Si les plaintes de la photographe parviennent si longtemps après les faits, c’est parce qu’elle dit avoir vu pour la première fois les œuvres de Warhol en 2016. Selon elle, l’artiste aurait copié ses photographies. L’Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, créée l’année de la mort de Warhol, en 1987, pour “l’avancée des arts visuels”, affirme que les œuvres de 1984 n’enfreignent aucun droit d’auteur.
Si la fondation ne nie pas que Warhol s’est inspiré des photographies de Goldsmith, elle précise que ses photos sont protégées par le fair use, une particularité du droit d’auteur américain qui signifie “usage loyal”. Cet usage loyal limite les droits de l’auteur sur son œuvre. Aux États-Unis, le droit d’auteur, appelé copyright, n’est pas le même qu’en France et cette loi n’est qu’un exemple du peu de pouvoir que peut avoir un auteur sur son travail : le fair use autorise certains usages “qui seraient, autrement, considérés comme illégaux”.
Selon le site Complete Music Update, le département juridique de la fondation Warhol affirme ceci :
“Bien que Warhol ait souvent utilisé des photographies prises par d’autres comme inspiration de ses portraits, ses travaux étaient toujours des créations nouvelles. Comme le verrait tout observateur doté de raison, chaque portrait de la série réalisée par Warhol sur Prince a complètement transformé l’esthétique visuelle et le message contenu dans la photographie publicitaire [de Goldsmith].”
De plus, la fondation argue que Goldsmith ne devrait pas avoir le droit de les poursuivre en justice, étant donné le temps écoulé. Cela fait en effet 33 ans que Warhol a imaginé ses portraits de Prince. La photographe ne compte pas en rester là : “Je pense que Warhol a porté atteinte à mes droits et je vais m’opposer à leur action et présenter une demande contraventionnelle pour violation des droits d’auteur”. Une affaire à suivre, donc.
Ces poursuites questionnent de nouveau le positionnement de l’art contemporain, que l’on accuse régulièrement de plagiat. Récemment, c’est par exemple une sculpture de Jeff Koons qui a été accusée d’être la copie d’une image d’un photographe français. Plus qu’un procès entre deux entités, c’est une histoire de définition de l’art à laquelle nous sommes ici de nouveau confrontés.