Mais alors Jamy, c’est de l’art ou pas de l’art ?
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Nouvelle fracassante dans le monde de l’art ET celui de l’intelligence artificielle : la semaine dernière, le Portrait d’Edmond Belamy s’est vendu 432 000 dollars (environ 380 000 euros) chez Christie’s, la plus célèbre des sociétés de ventes aux enchères. Cette somme ronflante, commission de Christie’s retranchée, atterrira dans les poches de trois Français, Hugo Caselles-Dupré, Pierre Fautrel et Gauthier Vernier, regroupés au sein du collectif Obvious.
Les trois IArtistes (soyons fous, popularisons un néologisme) ont employé des algorithmes de type Generative Adversarial Networks, plus connus sous le nom de GAN, surtout employés dans la création d’images. Nous avions rencontré les GAN ici, au détour de paysages post-apocalyptiques, ou encore là, au beau milieu de quatre chaises design.
Puisqu’une IA ne peut pas partir de rien, les trois Français l’ont au préalable abreuvée de 15 000 portraits réalisés entre le XIVe et le XXe siècle, autant de peintures qui auront servi de modèles à la genèse d’Edmond Belamy et de sa famille.
La démarche évoque obligatoirement un pseudo-Rembrandt, réalisé, deux ans et demi plus tôt, par une intelligence artificielle (mais carburant au deep-learning et non aux GAN), retouché par l’humain à l’ordinateur, et qui avait ensuite été imprimé en 3D. Différence de taille : ce Rembrandt médiatisé n’avait pas fini aux enchères, il s’agissait d’un projet expérimental.
Art ou technologie ?
La plupart des commentateurs s’accordent à dire que non, à commencer par l’un de ses créateurs. Sur le site de Christie’s, Hugo Caselles-Dupré reconnaît sans peine que la machine n’a injecté aucune émotion dans son œuvre. Car l’IA en général n’est ni sensible ni consciente, et ceci n’est pas près de changer. Mais il lui reconnaît tout de même la faculté “d’émuler la créativité”. Sans mentionner le nom de domaine du collectif qui vient brouiller un peu plus les pistes : obvious-art.com.
Ahmed Elgammal, un autre IArtiste interviewé par Christie’s prend la tangente et y interprète, de son côté, une forme de démarche artistique “conceptuelle” : l’humain, en façonnant son algorithme, “pose des questions” et la machine y “répond”. Il faudrait donc envisager, presque métaphysiquement, la relation homme/machine et non le produit. Un questionnement précédemment soulevé dans l’expo “Artistes et Robots”, qui a eu lieu au Grand Palais.
Mais, derrière ces belles questions philosophiques, n’oublions pas la réalité toute prosaïque et mathématique. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un œil sur la “signature” de l’artiste, en bas à droite du portrait de ce cher Edmond :