Accusés d’agressions sexuelles, les photographes Mario Testino et Bruce Weber sont blacklistés par Vogue

Accusés d’agressions sexuelles, les photographes Mario Testino et Bruce Weber sont blacklistés par Vogue

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Par Konbini arts

Publié le , modifié le

Des mannequins ont récemment mis en cause les photographes de mode Bruce Weber et Mario Testino. Comme pour Terry Richardson, Vogue a décidé de ne plus publier leurs photos.

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Si nous listons les récents remous dans les affaires d’agressions sexuelles dans le milieu de la photographie, nous trouvons Bruce Weber accusé, en décembre dernier, par deux mannequins, Jason Boyce et Mark Ricketson, auxquels s’ajoutent les témoignages d’une dizaine de modèles déclarant qu’il y avait toujours “une nudité récurrente non justifiée” lors de ses shootings et qu’il avait souvent eu un “comportement sexuel” envers eux.

Nous retiendrons également le blacklisting de Terry Richardson par le groupe Condé Nast. Lui aussi a été accusé par plusieurs modèles, et ce depuis de nombreuses années, et il fait aujourd’hui l’objet d’une enquête de la police new-yorkaise. Un article du New York Times sorti samedi dernier révèle de nouvelles accusations dans le monde de la photographie, cette fois-ci incriminant Mario Testino. Selon It’s Nice That, les investigations avaient déjà commencé en novembre 2017.

Il semblerait que les langues se délient également dans ce milieu, dans le sillon de l’affaire Weinstein touchant l’industrie cinématographique et le mouvement plus large #MeToo. Dans la photographie de mode en particulier, la nudité et l’objectification sont les maîtres mots de beaucoup de campagnes et séries photo. De jeunes modèles doivent faire face quotidiennement aux agences de mode, aux agences de pub et aux photographes, avec la pression que cela implique, et ce tout au long de leur carrière, sans avoir forcément les armes nécessaires.

Une dizaine d’accusations contre Mario Testino

Favori de grands journaux internationaux comme Vogue, V Magazine, Vanity Fair ou GQ, Mario Testino a travaillé avec des marques prestigieuses telles que Gucci, Burberry, Versace et Chanel, pour n’en citer que quelques-unes. Aujourd’hui, on compte pas moins de 18 expositions et de nombreux livres à son honneur, à travers le monde.

Résidant à Londres, il est notamment connu pour avoir découvert la mannequin brésilienne Gisele Bündchen, pour ses nombreuses collaborations avec Kate Moss dont il est proche, pour ses clichés de la famille royale britannique ainsi que les récents portraits de Serena Williams et son bébé dans Vogue. En 2013, il a été fait officier de l’ordre de l’Empire britannique, pour services rendus à la photographie et à l’humanité, comme le rapportait Vogue à l’époque.

Le New York Times nous apprend que 13 assistants photo et mannequins, qui ont travaillé avec Mario Testino depuis les années 1990, ont rapporté qu’il leur aurait souvent fait des “avances sexuelles” pendant des shootings, et que dans certains cas, il était question d’agressions sexuelles impliquant masturbation et attouchements. D’après les victimes présumées, il agissait de la sorte aux yeux de tous, et il y avait une banalisation générale de ses actes.

Dans certains témoignages, il est qualifié de “prédateur sexuel”. C’est notamment le cas de Robyn Locke qui raconte avoir été agressé sexuellement lors du shooting d’une campagne pour Gucci dans les années 1990. D’autres précisent que “si l’on voulait travailler avec Mario Testino, on devait faire des photos de nus au Château Marmont. Tous les agents de mannequins savaient que c’était le truc qui ferait exceller ou avancer notre carrière”. Et il y a bien d’autres témoignages, dont certains ont été faits anonymement, à son sujet.

Les allégations qui pèsent contre lui à ce jour émanent uniquement de mannequins et assistants masculins, tout comme Bruce Weber. Que ce soit les avocats de ce dernier ou de Mario Testino, tous déclarent être “choqués” par ces accusations “qui ne peuvent être prouvées”.

La décision de Vogue

Suite à ces accusations pesant sur Bruce Weber et Mario Testino, le magazine Vogue, appartenant au groupe Condé Nast, a déclaré ce week-end vouloir “suspendre [ses] relations avec ces deux photographes jusqu’à nouvel ordre”. Le magazine et le groupe avaient des rapports étroits avec les deux artistes, publiaient leurs travaux ou leur commandaient régulièrement des séries photo. Cette décision concerne toutes les éditions de Vogue, à l’international.

Bob Sauerberg, le directeur général de Vogue US, et Anna Wintour, rédactrice en chef, ont déclaré dans un communiqué : “Nous sommes profondément interpellés par ces accusations et nous prenons cela très au sérieux. […] À la lumière de ces allégations, nous ne commanderons aucun nouveau travail à Bruce Weber et Mario Testino.”

Dans cet élan, le magazine a souhaité renforcer son code de conduite concernant le harcèlement et les agressions sexuelles envers les modèles. Anna Wintour déclare sur le site de Vogue :

“Ces derniers mois ont été une période extraordinaire de prise de conscience et de changement, et j’ai, comme tant d’autres, été étonnée par le courage de ceux et celles qui se sont manifesté·e·s pour parler de leurs agressions sexuelles. L’abus de pouvoir a duré trop longtemps dans de nombreux domaines, y compris à Washington, à Hollywood, dans le journalisme, la Silicon Valley et enfin, dans la mode, où beaucoup de jeunes hommes et femmes ont parlé de manipulation et de coercition dans les castings et sur les shootings.

Je suis fière de dire que Condé Nast répond, ici et internationalement, à un nouveau code de conduite, un ensemble de lignes directrices pour les contributeurs extérieurs qui a émergé après des discussions honnêtes avec des avocats, des agents de mannequins, des stylistes, des photographes, des maquilleurs, des scénographes et plusieurs de nos propres éditeurs. […]

Même lorsque nous soutenons des victimes d’abus, nous devons aussi nous regarder dans le miroir et nous demander si nous faisons tout notre possible pour protéger ceux et celles avec qui nous travaillons afin qu’une conduite inacceptable ne se produise jamais sous notre surveillance. Cela signifie d’accepter que, parfois, ce genre de comportements peut se produire à proximité de chez soi.

Aujourd’hui, des allégations ont été faites contre Bruce Weber et Mario Testino, des histoires difficiles à entendre et déchirantes à affronter. Tous deux sont des amis personnels qui ont contribué de manière extraordinaire à Vogue et de nombreux autres titres à Condé Nast au fil des années, et tous deux ont nié ce qui a émergé. Je crois fermement en la valeur du remords et du pardon, mais je prends ces accusations très au sérieux […].”

À propos de ce nouveau code de conduite adopté, la rédactrice en chef précise que désormais tous les mannequins travaillant pour Condé Nast devront avoir 18 ans ou plus (à l’exception d’un reportage ou contenu spécifique portant sur des personnes mineures) ; qu’ils devront être accompagnés d’un tuteur présent lors du shooting ; que les photographes ne sont plus autorisés à utiliser les studios de Condé Nast pour des travaux non commandés ou validés par le groupe ; et que toute séance photo impliquant une nudité (même partielle) et une utilisation simulée de drogues et d’alcool, ainsi que des poses suggestives, devra être validée en amont par le groupe.

Elle rappelle également que l’alcool et les drogues ne sont pas permis. En somme, ce sont des choses qui paraissent évidentes mais qui, dans cette industrie, ne le sont pas pour tou·te·s. La bonne nouvelle, c’est que ces nouvelles règles ont également été adoptées dans les codes de conduite de grandes marques telles que Burberry, Ralph Lauren, Michael Kors et Stuart Weitzman, qui prennent elles aussi de nouvelles résolutions.