Un fauteuil de style Louis XV recouvert d’un enchevêtrement de tissus et de mousse trône au milieu de la salle de classe d’un ancien collège de Seine-Saint-Denis. Le nouveau lieu culturel Artagon Pantin accueille 50 artistes depuis septembre. “Le but n’est pas de construire un bunker où les artistes viennent le matin et repartent le soir, mais de créer des ponts et que notre présence contribue au dynamisme du quartier”, lance d’emblée Anna Labouze, cofondatrice d’Artagon, à Pantin, au nord de Paris.
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Après Marseille et le Loiret, l’association fondée par Anna Labouze et Kémis Henni – par ailleurs codirecteur·rice·s du centre de création des Magasins Généraux à Pantin – a investi ce collège des années 1970 du quartier des Quatre-Chemins, miné par la pauvreté. En février 2022, les élèves ont déménagé dans un établissement flambant neuf. Puis l’ancien bâtiment a été gracieusement mis à disposition de l’association par la ville, pour une durée de quatre ans et demi, le temps d’accueillir trois promotions d’artistes.
Cinéma, sculpture, créations sonores, photographie… 50 résident·e·s s’approprient les 5 000 mètres carrés et les trois étages rose pâle et vert pomme du collège vieillot, organisé autour d’un large espace central, sorte de gigantesque patio qui permet à une œuvre en métal de s’élancer sans entrave jusqu’au plafond.
La salle d’arts plastiques est devenue un espace pour la danse. Dans les “Algeco” extérieurs, s’est installé le collectif Green Resistance. Les classes se sont mues en ateliers occupés par des binômes d’artistes. Sur 850 candidatures, 50 avaient été retenues. “Ça montre l’urgence d’ouvrir des lieux d’accueil et des espaces d’atelier pour les artistes en Île-de-France”, souligne Jeanne Turpault, responsable d’Artagon Pantin.
Double bénéfice pour la ville
Auparavant résidente de la Fondation Fiminco à Romainville et des Ateliers Médicis de Clichy-sous-Bois et Montfermeil, Camille Juthier, habitante d’Aubervilliers, a postulé à Artagon Pantin, attirée par le statut associatif de la structure et la promesse d’un autre “type de rapport au capitalisme et à la gentrification”. “Je travaille avec mon frère autiste sur le trouble psychique”, explique l’artiste, qui souhaite comprendre les effets sur nos organismes des molécules des neuroleptiques et celles contenues dans le plastique.
Pour le maire PS de Pantin Bertrand Kern, c’est un double bénéfice pour la ville : “Avoir une occupation qui permette de faire des économies [les charges sont payées par Artagon, ndlr] sans que le bâtiment ne se dégrade trop et avoir une activité culturelle qui s’ouvre sur le quartier.” L’association, qui vit de financements privés et publics, demande une contribution de 100 euros par mois aux résident·e·s.
Plusieurs ateliers pour le travail du métal, du bois ou de la céramique ou un laboratoire photo doivent encore être installés. Artagon veut être une “boîte à ressources” à destination des jeunes créateur·rice·s en début de parcours. Plus de 500 heures de formation, sur des thèmes variés allant de la communication aux droits d’auteur·rice·s, leur seront proposées.
L’association pantinoise Pas si loin, implantée dans le paysage des Quatre-Chemins, s’apprête à prendre possession de l’ancien réfectoire pour en faire une cantine solidaire de 100 couverts. “On considère qu’on est un médiateur entre une structure qui n’a pas d’ancrage local et les habitants”, note sa coprésidente, Najia Ben Fraj. Outre la restauration à prix libre le midi, une offre pour le goûter à l’heure de la sortie d’école est en train d’être mijotée.