Le 30 mai dernier, des malfrats profitaient de la fermeture des musées pour voler une toile de Van Gogh. Quelques semaines plus tard, un collectionneur espagnol affirmait avoir récupéré La Mesa Herida, une œuvre de Frida Kahlo disparue il y a 65 ans après avoir “été prêtée pour une exposition itinérante à travers plusieurs pays soviétiques. La dernière fois qu’on a vu l’œuvre, c’était en 1955, à la Galerie nationale d’art de Zachęta, à Varsovie, en Pologne, puis elle s’est évaporée”. Selon les expert·e·s, l’alerte donnée n’est qu’un coup de couteau dans l’eau, le tableau serait un faux.
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Ces affaires rappellent le nombre de chefs-d’œuvre qui disparaissent assez régulièrement (un des tableaux les plus célèbres du monde, la Joconde, a elle-même été victime d’un vol rocambolesque en 1911). L’occasion de s’intéresser à 5 œuvres volées, entre les années 1940 et 2010, dont on n’a toujours pas retrouvé la trace.
Portrait de jeune homme de Raphaël, disparu en 1945
“Portrait de jeune homme”, 1513-1514. (© Raphaël/Wikipedia Commons)
Vers 1514, Raphaël réalise son Portrait de jeune homme. Selon nombre de spécialistes, la peinture à l’huile sur bois serait un autoportrait du maître italien, tel que le précise AD Magazine. À la toute fin du XVIIIe siècle, le tableau est acquis par une famille princière polonaise, les Czartoryski, qui l’exposent dans leur musée éponyme aux côtés d’une toile de Léonard de Vinci et d’antiquités romaines.
En 1939, Adolf Hitler, qui a depuis longtemps dans l’idée d’ériger un musée en son honneur, le Führermuseum (qui ne verra jamais le jour), envoie certains de ses généraux s’emparer d’œuvres à travers l’Europe. Le nazi Hans Frank, nommé gouverneur de Pologne par le dictateur, vole le Portrait de jeune homme et le garde chez lui.
En 1945, Hans Frank est arrêté mais, du tableau, on ne retrouve pas la trace. Le Guardian rapporte que, rien qu’en France, le régime nazi aurait pillé plus de 100 000 œuvres d’art, dont plus de 2 100 n’auraient toujours pas été rendues à leurs propriétaires ou identifiés.
Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée de Rembrandt, disparu en 1990
“Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée”, 1633. (© Rembrandt/Wikipedia Commons)
Le 18 mars 1990, deux hommes déguisés en officiers de police s’introduisent au sein du musée Isabella Stewart Gardner de Boston et fauchent 13 œuvres. Parmi ces œuvres, une toile de Rembrandt datant de 1633, son seul paysage maritime. Une scène biblique y est dépeinte, le miracle de la “tempête apaisée” sur le lac de Tibériade, en Palestine. Au milieu du chaos et de la panique qui agite les douze apôtres qui l’accompagnent (et vomissent, pour certains, par-dessus bord), le Christ est calme. Il interpelle la mer et le vent tombe immédiatement.
Les disciples sont douze, le Christ est seul, pourtant quatorze protagonistes sont à bord du bateau. Tout comme le Portrait de jeune homme de Raphaël, des spécialistes pensent que Rembrandt s’est représenté dans sa toile – il serait le seul personnage qui regarde le public.
Ce vol, vieux de 30 ans, est le plus important vol de musée des États-Unis. L’enquête, menée par le FBI, le bureau du procureur fédéral et le musée, est toujours en cours. L’établissement propose encore à ce jour une “récompense de 10 millions de dollars pour toute information menant à la récupération des 13 œuvres en bon état”. “Une récompense indépendante de 100 000 dollars sera offerte en retour d’un insigne napoléonien surmonté d’une tête d’aigle“, assure également le musée.
Le Concert de Johannes Vermeer, disparu en 1990
“Le Concert”, 1663-1666. (© Johannes Vermee/Wikipedia Commons)
Le butin des deux voleurs du 18 mars 1990 comportait un gros poisson : Le Concert. Cette œuvre peinte entre 1663 et 1666 par Johannes Vermeer est évaluée entre 140 et 170 millions d’euros. AD Magazine précise qu’il s’agirait de “l’œuvre subtilisée la plus chère du monde au moment de sa prise”. L’artiste est aujourd’hui considéré comme un des plus grands maîtres de l’âge d’or néerlandais. Pourtant, seules 34 peintures lui sont officiellement attribuées – une des raisons qui font de ce vol un événement particulièrement malheureux.
Le Concert montre deux femmes et un homme dans un intérieur cossu, en train de composer de la musique. Selon le musée Isabella Stewart Gardner, des spécialistes estiment que “les scènes musicales néerlandaises représentaient des avertissements moraux quant à la séduction et au sexe hors mariage” et que la toile pourrait induire “que quelque chose d’indécent a lieu”. Ces hypothèses sont souvent écartées au profit d’une exaltation du mystère instauré par Vermeer dans cette œuvre disparue :
“Les silhouettes dans la pièce sont avidement concentrées à leur musique : elles ne se regardent pas et ne semblent pas se rendre compte qu’elles sont observées. Leur intensité n’invite aucune interruption. Sur la grande table se trouve un luth tandis qu’une viole de gambe est au sol. Ces instruments seront-ils bientôt saisis par le trio ou d’autres personnes rejoindront-elles bientôt le groupe ? Vermeer infuse délibérément un sentiment de mystère : cette étude d’une interaction sociale est une comédie de mœurs ouverte à l’interprétation du public.”
Le Pigeon aux petits pois de Pablo Picasso, disparu en 2010
“Le pigeon aux petits pois”, 1911. (© Pablo Picasso/Wikipedia Commons)
Les musées sont des lieux vulnérables. 20 ans après le célèbre vol de Boston, un trio de voleurs prenait pour cible le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Le 20 mai 2010, cinq tableaux (dont la valeur d’ensemble est estimée à 100 millions d’euros) étaient subtilisés par un des trois hommes, un Serbe surnommé “Spiderman” pour sa facilité à escalader des façades d’immeubles.
Selon le LA Times, l’homme araignée comptait seulement s’emparer de la Nature morte aux chandeliers de Fernand Léger, réalisée en 1922. Voyant que l’alarme du musée ne s’était pas enclenchée, il aurait ensuite passé une heure entre les murs du musée, choisissant quatre œuvres supplémentaires : La Pastorale (1906) d’Henri Matisse, L’Olivier Près de l’Estaque (1906) de Georges Braque, La Femme à l’Éventail (1919) d’Amedeo Modigliani et Le pigeon aux petits pois (1911) de Pablo Picasso.
En 2011, un an après les faits, un des trois complices (un horloger français) était interrogé par la police. Ce dernier a affirmé que, pris de panique après un coup de téléphone de la police et une descente chez lui, il les avait jetées à la poubelle. Ni les forces de l’ordre, ni les coaccusés ne croient cette version. Plus vraisemblablement, les œuvres auraient quitté le territoire français.
Francis Bacon de Lucian Freud, disparu en 1988
“Francis Bacon”, (© Lucian Freud)
En 1988, un portrait de l’artiste Francis Bacon, peint par son ami Lucian Freud, disparaissait d’une galerie berlinoise. Pendant un an, aucune nouvelle de l’œuvre, jusqu’à ce que Francis Bacon reçoive un coup de fil anonyme en 1989. Selon Barry Joule, un proche de Bacon, une voix caverneuse aurait ordonné au peintre britannique de “rassembler 100 000 livres Sterling et d’attendre un appel à midi précisémment” pour récupérer son portrait.
Traumatisé par les forces de l’ordre depuis une perquisition vécue par son amant en 1968, Francis Bacon aurait refusé de prévenir la police. Il aurait seulement averti le directeur de la Tate Gallery, propriétaire original de l’œuvre. Devant son appartement, Francis Bacon aurait pourtant vu trois policiers en civil “cachés derrière des journaux”. À midi, le téléphone est resté silencieux et Bacon serait quant à lui resté convaincu que c’était à cause de la présence des policiers.
Francis Bacon et Lucian Freud sont aujourd’hui tous deux décédés et l’œuvre n’est jamais réapparue. Avant sa mort, Francis Bacon assurait qu’il était convaincu qu’elle “avait été brûlée”.
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