Je ne vous ai pas tout dit de l’écoute de Ye, le nouvel album de Kanye West. Lui et Kid Cudi vont mieux, Pusha T n’en a pas fini avec Drake, Ty Dolla $ign a une très bonne weed et Kim Kardashian un grand cœur. Petit récit des dessous de mon aventure dans le Wyoming.
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“Fallin’, dreamin’, talkin’ in your sleep
I know you want to cry all night, all nightDon’t you grow up in a hurry, your mom’ll be worried, aw
It was all part of the story, even the scary nights
Reality is upon us, colors drippin’ off
Colors drippin’ off…”
Jeudi soir dernier, je posais mes baskets à New York, sans vraiment savoir ce que l’écoute du nouvel album de Kanye West me réservait. Et ce fut si grandiose que j’allais mettre 24 heures à redescendre des nuages du Wyoming après un aller-retour mouvementé au cœur des États-Unis à bord d’un jet affrété par Def Jam.
De nouveau posé à la Big Apple, je regarde en arrière et ne sais par où commencer… Bref, j’ai peu de temps devant moi, donc entrons dans le vif du sujet. NYC, vendredi 1er juin, 7 heures : après trois heures de sommeil et une jeune carrière déjà bien remplie, rendez-vous avec la géniale Myra devant les locaux d’Universal Music Group. Assis à côté du grand Tim Westwood dans le bus qui nous emmène à l’aéroport, je suis le seul Français parmi une poignée d'”élus” composés de journalistes, artistes et influenceurs sélectionnés en toute dernière minute à travers le monde. Décollage.
“Ghost Town”
Cinq heures de vol et j’atterris à Jackson, une petite ville du Wyoming. À peine le temps de me faire pote avec un ours en peluche dans un charmant hôtel, que le bus pour le ranch de Yeezy me fait vite avaler mon dixième café-clope de la journée.
Une heure de route plus tard à contempler les montagnes d’un décor chimérique (ce même cadre photographié à la dernière minute par Kanye pour illustrer son nouvel album) et me voilà dans un ranch bordé de feux de camp et de chevaux.
Les tresses rouges de Lil Yachty m’interpellent, mais mon ventre m’appelle à aller d’abord dévorer quelques ailes de poulet accompagnées d’une plâtrée de mac and cheese. La famille West-Kardashian sait bien accueillir ses invités, en leur fournissant même un sweat à capuche floqué pour l’occasion.
Toutes les lumières se sont ensuite braquées à l’arrière de ce grand hangar au sol tapissé de paille : l’hôte fait son entrée, accompagné de sa femme Kim, tout juste de retour d’un rendez-vous décrié avec Donald Trump. Autour d’eux, Nas, Chris Rock, Fabolous, Kid Cudi se saluent et tapent la discute en toute tranquillité. Si vous avez déjà vu mon report vidéo (disponible au bas de cet article, et dans sa version longue sur le profil Instagram de Konbini), vous connaissez la suite. Je vais donc plutôt vous raconter quelques moments vécus hors-champ.
Thanks Kim
Tout commence avec Kim Kardashian : s’il fallait la définir en deux mots, je dirais “fille bien” ou “grand cœur”. Parce que c’est grâce à elle que j’ai pu être au plus près de tout ce beau monde. Elle aurait pu rester dans sa zone de confort, comme quiconque n’ayant nulle envie de se bouger pour un autre… mais non.
À deux mètres de moi, elle voit que je n’arrive pas à me débarrasser du mec (très relou) de la sécurité qui me demande de ranger mon téléphone. Il ne pouvait plus rien me dire lorsque, après avoir interrompu sa conversation, Kim se dirige vers nous et lui ordonne de me laisser tranquille. C’est à partir de ce moment que j’ai pu toucher le ciel.
Kid Cudi
“Je suis sur une voie positive, j’espère…”
Si Nas et Chris Rock étaient bien trop occupés à discuter entre eux, Cudi s’est révélé agréablement avenant et empathique. Avant de me prendre dans ses bras, Scott Mescudi paraissait quelque peu anxieux tout en ayant parfois un grand sourire. Courbé sous un simple sweat à capuche gris, il a l’air sur la lune, tel qu’on le connaît, et parle lentement. Je lui ai naturellement demandé s’il allait mieux, après deux années compliquées pour lui mentalement.
– “Je vais mieux merci, et si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à Dieu et des amis comme Kanye. Et toi ?”
– “Moi ? Euh… Si je t’ai autant écouté, c’est que je te comprends et ressens plus ou moins la même chose que toi.”
– “Merci. Tu sais, il faut s’accrocher plus que la normale pour avancer. Surtout quand on se retrouve face à soi-même. Mais grâce à mon entourage, à mes amis ici présents, je suis sur une voie positive, j’espère… Ça se voit non ? [Rires]“
La suite de la conversation restera secrète. Mais quand il s’agit de son imminent album commun avec Kanye West :
“J’ai hâte de vivre ce moment car cela fait depuis plus d’un an qu’on vient régulièrement ici pour écrire, produire, enregistrer… On en voit enfin le bout, et ça va être beau.”
Quelques frasques et rigolades avec Lil Yachty et Desiigner plus tard…
… et me voilà avec Kanye.
Kanye West
“Je n’ai jamais été autant en paix avec moi-même”
Pas besoin de l’agresser, il comprend dans ton regard que t’as quelque chose à lui dire. Le sourire jusqu’aux oreilles (un fait rare), il est tranquille et, après un long check, tend directement l’oreille jusqu’à ta bouche. La compassion a d’abord pris le pas sur le sérieux de ce travail, en tout humanisme. La première question n’en était forcément pas une, mais plutôt l’expression de sentiments, sur le moment, d’un enfant qui a grandi et évolué avec une musique qu’il écoutait et écoute toujours d’ailleurs.
“Ce que tu me dis là me touche, j’apprécie vraiment. C’est aussi pour ça que j’ai fait cet album, pour permettre à ceux qui m’écoutent de rester forts et positifs, et aussi répandre l’amour auprès des miens. Et quand je dis ‘les miens’ [“my dawgs”, ndlr], je parle de ma famille mais aussi de toi et tous ceux qui sont là aujourd’hui.”
Et si Kanye West a lui aussi connu des problèmes mentaux qui l’ont conduit en HP il y a deux ans, il laisse entrevoir une belle lumière dans l’obscurité d’un album parfois torturé, pour transformer le handicap de la dépression en un superpouvoir.
– “Quand tu te retournes et que tu vois tout le chemin que tu as parcouru, quel sentiment as-tu, là maintenant ?”
– “(Il sourit) Je n’ai jamais été autant en paix avec moi-même. Tu sais, la vie est avant tout une opportunité de s’aimer un peu plus les uns les autres. Rien ne me rend plus heureux que d’être avec mes proches et prendre un bain de soleil.”
– “C’est pour cette raison que tu t’es reclus ici, dans le Wyoming, pour faire ton album ?”
– “Exactement. J’avais besoin de respirer l’air frais du Wyoming et de me retrouver, avec ma famille et mes amis.”
“I hate being Bi-Polar, it’s awesome”
Tout fraîchement débarqué, Jonah Hill me fait de l’œil pendant que je note rapidement les précieux mots de deux génies musicaux de notre époque. Fallait bouger à l’extérieur du hangar, la session d’écoute allait commencer. La nuit est tombée. C’est autour d’un feu de camp au milieu de nulle part que Chris Rock, maître de cérémonie, annonce le titre de l’album, Ye, avant d’introduire Kanye West sous les yeux ébahis de mon nouveau pote Brad, journaliste à TMZ. C’est un peu comme si on était au Madison Square Garden lors de la présentation de The Life of Pablo, précédent projet de KW, mais dans un cadre plus familial et un décor plus naturel.
“I Thought About Killing You”, le premier des sept morceaux, se lance. Après un speech introductif sur l’amour-propre et le suicide, le titre nous fait entrer dans le vif du sujet avec un Kanye West revenu d’entre les morts pour tout casser. Chaque piste de l’album fout un bordel monstre, qu’elle soit énervée comme “Yikes”, downtempo comme “All Mine”, gospel comme “Wouldn’t Leave” et “No Mistakes”, ou exceptionnelle comme “Ghost Town” sur laquelle 070 Shake nous fait atteindre le point culminant du mont Ye. “I feel kinda freeeeee” chante-t-elle : l’apothéose. Kid Cudi a l’air fier de ce morceau sur lequel il apparaît. L’ambiance est cool et s’apaise lors de la dernière chanson de l’album, qui est sûrement la plus profonde : “Violent Crimes”.
Je me retrouve juste derrière Kanye après un mouvement de foule profitable, entouré de Desiigner, Lil Yachty, Teyana Taylor, Kim Kardashian, 2 Chainz, Ty Dolla $ign… Présent sur l’album, ce dernier danse tranquillement avant de me tendre le sandwich qu’il partageait avec “deux chaînes”. Tu ne peux pas refuser, alors que les pop-corn commencent à sauter au coin du brasier.
Repeat. Même pas le temps de nous remettre de nos émotions qu’une deuxième écoute vient faire le bonheur de tous. C’est reparti pour un nouveau tour de piste, avec des ponts et refrains déjà entonnés par quelques-uns tant ils sont marquants. 070 Shake, sensation de cet album, est portée en triomphe pendant que ses paroles résonnent encore et encore, pendant un turn-up duquel je sortirai sans voix et les cuisses cramées par la chaleur.
“I feel kinda free, we’re still the kids we used to be”
Ça y est, la musique se coupe sous les applaudissements, et tout le monde est vite invité à regagner son bus pour rentrer à son hôtel. Je reste un peu autour du feu et salue Pusha T, en retrait. Son nouvel album, sorti la semaine passée, détonne. Lui aussi a été enregistré et produit par Kanye West dans le Wyoming.
Celui que l’on appelle King Push explose de rire, avant de m’assurer que la tempête n’est pas prête de se calmer. Vous savez de qui je parle… Drake, évidemment. On est en plein dans le clash qui l’oppose au rappeur de Toronto, et je n’ai pu m’empêcher de lui demander s’il “comptait le terminer” : “Bien sûr bro, je n’en ai pas fini avec lui.”
Un dernier check et puis s’en va, alors que le bois vit ses derniers crépitements. Une heure de route m’attend, mes yeux se ferment devant les étoiles du Wyoming. À la recherche du bonheur, la passion et le travail donnent à certains gosses la chance de repeindre la réalité de leurs rêves.
“I feel kinda free
We’re still the kids we used to be
I put my hand on a stove, to see if I still bleed
And nothing hurts anymore.”
On était au lancement de l'album de Kanye WestOn était au lancement de l'album de Kanye West "Ye" dans son ranch du Wyoming... Kid Cudi, 2Chainz, Nas, Pusha T, Kim K, Chris Rock et même Jonah Hill... ils étaient TOUS LÀ et c'était FOU
Publiée par Konbini sur vendredi 1 juin 2018