Le 20 janvier 2017 à midi, Donald Trump prendra officiellement ses fonctions de président des États-Unis lors de la traditionnelle cérémonie d’investiture à Washington D.C. Dès le lendemain, plus de 200 000 personnes devraient marcher dans les rues américaines à l’occasion d’une initiative féministe appelant les femmes américaines de tous horizons à se rassembler pour faire entendre leur voix et rappeler leurs droits.
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Un manifeste inclusif
“Dans un esprit démocratique et en l’honneur des défenseurs des droits de l’homme, de la dignité et de la justice qui nous ont précédés, nous nous unissons autour de nos diversités pour montrer que notre présence est trop importante pour être ignorée.”
Les mots du manifeste sont soigneusement choisis pour décrire la Women’s March on Washington, prévue le 21 janvier. Pour les quatre coorganisatrices de l’événement, qui sont toutes des figures féministes, le message doit être positif : ce n’est pas une démarche anti-Trump, l’équipe refuse de parler de “manifestation”. Tout le monde est invité à venir, y compris les hommes. “Nous accueillons bien évidemment nos alliés masculins, a précisé Bob Bland, l’une des organisatrices, au Washington Post, nous voulons que la marche soit aussi inclusive que possible, tout en acceptant qu’elle soit centrée sur les femmes.“
Avec un gouvernement composé majoritairement d’hommes, ouvertement antiavortement, comme le futur ministre de la Santé, Tom Price, ou le prochain ministre de la Justice, Jeff Sessions, beaucoup de femmes sentent leurs libertés menacées. “La rhétorique du dernier cycle électoral a insulté, diabolisé et menacé beaucoup d’entre nous : immigrés, musulmans et autres minorités religieuses, personnes qui se reconnaissent comme LGBTQIA, Native Americans , personnes de couleur, personnes handicapées ou victimes d’agression sexuelle” peut-on lire encore sur le site officiel de l’événement.
“The Women’s March on Washington enverra un message audacieux à notre nouveau gouvernement au premier jour de son mandat, ainsi qu’au reste du monde, pour montrer que les droits des femmes sont des droits humains.“ Cette dernière affirmation, tirée du célèbre discours prononcé par Hillary Clinton, alors première dame, à Pékin en 1995, sonne comme le slogan de toute la démarche.
De Hawaii à Washington : une organisation longue et complexe
C’est d’abord une grand-mère hawaïenne, choquée et révoltée par l’élection de Donald Trump, qui a envoyé un message à ses proches amies pour leur proposer d’aller marcher à Washington au lendemain de la cérémonie d’investiture. Ses amies préviennent leurs amies, leur idée devient virale et la machine est lancée. Plusieurs événements sont créés avant de se consolider autour d’une seule et même page Facebook, rassemblant aujourd’hui des milliers de personnes. À l’heure actuelle, l’organisation de la Women’s March a pris de l’envergure, mais ses débuts furent assez chaotiques. Tout d’abord parce que les premières femmes qui se sont investies dans l’organisation étaient toutes blanches. Aïe !
Par ailleurs, le nom original de la marche était “Million Woman March”, un nom déjà connu dans l’histoire américaine comme celui d’une manifestation organisée à Philadelphie en 1997 par des femmes… noires. Heureusement, différentes porte-parole des communautés minoritaires, souvent visées par les propos de Trump, se sont jointes à l’organisation, pour que tout le monde sente qu’il a sa place et son importance lors de la marche. Ouf ! L’événement s’est ensuite choisi un autre nom, la “Women’s March on Washington”, cette fois en référence à la March on Washington for Jobs and Freedom (la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté), durant laquelle Martin Luther King a prononcé son fameux I Have a Dream.
Enfin, le 15 décembre dernier, l’organisation a reçu l’autorisation officielle, délivrée par la police de Washington D.C., pour défiler dans la capitale. De nombreux soutiens se sont alors manifestés et des partenariats avec des organisations telles qu’Amnesty International ou Planned Parenthood, le Planning familial américain, ont été conclus. S’ajoute à cela la présence de nombreuses célébrités, emblèmes de la défense des droits des femmes comme la journaliste Gloria Steinem ou la comédienne Amy Schumer. Les organisatrices ont promis que la journée serait animée par différents événements, concerts et débats.
L’équipe en charge de l’organisation compte plus de 60 personnes. De la recherche de partenariats à la communication, rien n’est oublié. Le staff de The Women’s March On Washington est aussi très actif sur les réseaux sociaux, notamment Instagram où il partage quotidiennement les portraits de femmes racontant pourquoi elles marcheront le 21 janvier. Un appel a également été lancé aux artistes américaines qui peuvent proposer des travaux destinés à être reproduits et distribués le jour J.
Par-delà la capitale
L’ampleur de l’événement est telle qu’il y aura au minimum une marche dans chacun des cinquante États américains. La Californie bat pour l’instant tous les records avec des défilés prévus dans pas moins de 23 villes ! Comme le précise le site américain Vox, cette marche devrait être le plus grand rassemblement citoyen lié à l’investiture d’un président. En 1973, 60 000 personnes avaient manifesté contre Richard Nixon, tout juste réélu, et sa politique au Viêt Nam. De même en 2001, face à George W. Bush, des milliers d’Américains s’étaient déplacés à Washington. Mais rien ne semble pouvoir se comparer à la Women’s March de 2017.
Car l’implication est devenue internationale. Sur le site officiel, on découvre que 25 pays de tous les continents accueilleront une marche dans une ville. C’est le cas de la France, avec pour l’instant Paris et Montpellier. À Paris justement, c’est la Coordination française pour le lobby européen des femmes (CLEF) qui a pris l’initiative d’organiser une marche pour soutenir les Américaines. Lorsque l’on demande à leur présidente, Françoise Morvan, la raison de cette initiative, elle cite Simone de Beauvoir :
“N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question.”
Pour elle et les 65 associations militantes qui font partie de la CLEF, une solidarité féministe avec les Américaines est nécessaire face à la menace que Donald Trump représente pour les droits des femmes. “Le féminisme est une lutte universelle et nous savons que la société civile peut peser en Europe. Nous avons réussi à faire reculer le gouvernement espagnol en 2013, quand le droit à l’avortement a été remis en question. Pareil en Pologne il y a quelques mois. Cette initiative est importante.”
Il semble donc évident que le 21 janvier, Paris répondra présent à la Women’s March. De l’École militaire au Trocadéro, plusieurs associations défileront, avec le soutien du Planning familial et du Parti démocrate américain en France. Mais ce sont surtout les citoyennes qui seront attendues, afin de poursuivre cette longue bataille qu’est l’égalité totale des sexes.
Let’s do it!