Marcher sur les traces des explorateurs du siècle dernier, découvrir les confins tibétains de la province du Yunnan, traverser des cols s’élevant à 4 000 mètres et des forêts de rhododendrons géants, voilà un concept de voyage imaginé par le Français Constantin de Slizewicz, un aventurier… bien perché !
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Ouf ! Alors qu’on se disait que notre monde hyperconnecté était redevenu plat, que les distances étaient mortes et que nous étions tous les citoyens d’un même petit village, on s’aperçoit qu’il reste encore des régions du monde si reculées et si dures à atteindre qu’elles font renoncer les cars de touristes à s’y aventurer, et laissent aux puristes tout le loisir de s’y régénérer.
Prendre de la hauteur
Avec l’urbanisation féroce, tout change à vitesse grand V dans le Yunnan, province pittoresque de l’ouest de la Chine, qui offre au sud des régions tropicales où coule le Mékong et au nord les pics montagneux qui bordent le Tibet. Le tourisme de masse a transformé en peu de temps Dali et Lijiang, anciennes bourgades de la “route du thé” en hubs touristiques, aujourd’hui malheureusement saturés de touristes de tout poil.
Mais lorsque l’on prend le temps de s’élever au-dessus de 3 000 mètres, on découvre Shangri La, ville tibétaine hors du temps ; et lorsque l’on pousse encore un peu plus loin la balade, on pénètre dans des vallées verdoyantes bordées de pics enneigés et piquées de stupas blanches.
La vallée de Dabosi : c’est là que Constantin de Slizewicz, Français d’origine polonaise a posé ses malles et acheté une ferme après des années à arpenter tout le Yunnan pour un journal local. Anticonformiste, épris des grands espaces, grand marcheur, bon buveur, ce Toulonnais de naissance s’est découvert une seconde terre natale dans ces lieux haut perchés et des frères chez les gaillards tibétains.
“La première fois que je suis venu à Shangri La – à l’époque, la ville s’appelait Zhongdian – c’était en 1999, j’avais 22 ans. J’ai été séduit par le magnétisme de la culture tibétaine et j’ai aussi ressenti le fait que ma vie allait un jour se diriger vers ce monde montagnard qui me semblait étrangement familier”, explique-t-il.
Retour dans le temps
Fou de littérature d’aventure et lui-même écrivain, Constantin de Slizewicz dévore les récits des premiers explorateurs qui avaient atteint ces contrées perdues du début du XXe siècle, Joseph Rock, Louis Liotard, le prince Henri d’Orléans, etc. C’est de ces lectures que lui vient l’idée de proposer des voyages en caravanes comme autrefois. Une randonnée où le marcheur est légèrement équipé tandis que le gros de ses affaires et une bonne tonne d’équipage (tente, nourriture, couchage) sont portés à dos de mules. C’est que Constantin de Slizewicz est fan des gentlemen du siècle dernier, à la fois géographes, botanistes et anthropologues qui voyageaient avec leurs caisses de vins, de livres, leurs tapis et leurs chandeliers en argent. Tellement plus classe que l’esthétique Gore-Tex et les gourdes de café tiède.
Un trek en altitude
En 2011, Constantin de Slizewicz lance les caravanes Liotard (en référence au géographe français Louis Liotard) avec sa femme Phoebe, et d’autres compagnons qui ont eux aussi choisi la vie montagnarde à celle des grandes villes. Le parcours proposé est un trek de 60 kilomètres sur 4 jours et 3 nuits avec en moyenne 3 à 8 heures de marche par jour et le passage de plusieurs cols à plus de 4 000 mètres d’altitude. Il vaut mieux donc être en bonne forme physique. Mais l’effort est récompensé par des vues spectaculaires sur les monts Yading, Kawa Karpo et Aboudje, des traversées dans des forêts charnues, pleines de mélèzes, de sapins et de rhododendrons gigantesques, des cieux limpides, des prairies verdoyantes. La nature ici est à couper le souffle, beaucoup plus foisonnante qu’autour de Lhassa où il ne semble pousser que des pierres.
“Pendant quatre jours et trois nuits, on invite les gens à prendre les sentiers de l’ancienne ‘route du thé’, à découvrir la beauté sauvage des montagnes, et aussi à se déconnecter de la spirale cannibale des mégalopoles. Durant quatre jours, comme dans une retraite, les hôtes oublient leurs addictions aux technologies, ils apprennent à vivre à rebours de cette modernité qui chaque jour aggrave le sort de notre planète… Oui, ici, dans les montagnes entourant Shangri La, le temps s’est arrêté !”, ajoute Constantin.
De fait, quand, rincé par la marche, le corps et l’esprit vidés de toute tension inutile, le randonneur arrive à bon port au milieu d’une vallée ou sur les rives d’un lac sacré, et que l’apéritif est servi sur un tapis laineux, le bonheur n’en est que plus grand. Après l’effort, le réconfort, comme on dit, et ce vieil adage est parfaitement maîtrisé par les caravaniers. Le soir, le dîner est servi à la lumière des bougies dans de la belle vaisselle, on goûte à une cuisine qui fusionne le local et le continental avec une simplicité authentique et le soir, on dort sur de bons matelas dans une tente Bell hyper résistante. Après un petit déj dans l’air piquant du matin, le marcheur peut se remettre en route au rythme des mules et des pas sûrs des sherpas tibétains qui suivent tout le parcours.
“Depuis 2010 notre volonté est de proposer, dans la zone rurale de Shangri La – une entreprise permettant de faire perdurer la culture muletière. Notre souhait était de proposer un plus financier dans ce monde agricole qui n’est pas évident chaque jour. L’idée de la caravane était de pouvoir offrir un art commun entre les Tibétains et moi-même et de pouvoir le faire perdurer. Les jeunes de mon village avaient oublié ou ne savaient pas faire les nœuds des bats, diriger les chevaux en montagnes, toutes ces choses que les anciens savaient. Grâce aux caravanes, les Tibétains nous offrent leurs montagnes, leurs chevaux nous accompagnent, ils côtoient des personnes de l’extérieur sans changer leurs coutumes et traditions. Il y a une sorte de fraternité”, conclut Constantin dont on ne peut douter de la sincérité.
Il faut saluer Constantin de Slizewicz et sa bande qui, dans ce coin à la fois perdu et protégé du monde, ont développé un concept unique loin des tour-opérateurs. Respectueux de ces contrées et heureux de faire partager des moments d’une culture méconnue, ils investissent la population locale sans empiéter sur son mode de vie et offrent aux citadins overbookés des moments de vide salutaire. Un voyage de mille lis à faire absolument.
Plus d’infos sur le site de Caravane Liotard.