Après visionnage d’une vidéo aux images difficilement soutenables tournée dans les abattoirs du Vigan dans le Gard, le procureur de la République a ouvert une enquête. Konbini s’est entretenu avec Brigitte Gothière, la porte-parole de l’organisation de défense des animaux L214 qui a réalisé et diffusé cette vidéo.
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“La viande heureuse, ça n’existe pas.” Ces mots sont ceux de Nili Hadida, chanteuse du groupe Lilly Wood And The Prick en préambule de cette vidéo publiée ce mardi 23 février, par l’association L214 : “Derrière les murs d’un abattoir certifié bio“.
Sur cette vidéo on constate l’agonie des animaux et la violence qu’ils subissent. Les moutons apeurés cherchent à fuir et sont littéralement jetés contre des barrières par les employés. Les cochons sont manipulés avec des pinces électriques pour les contenir. À cause du matériel défaillant, les bœufs mal étourdis arrivent conscients sur la chaîne d’abattage.
Quelques mois après les images insupportables tournées à l’abattoir d’Alès (non certifié bio), cette nouvelle vidéo de L214 est accablante. D’autant que les abattoirs du Vigan approvisionnent les commerçants et les boucheries locales, en circuit court : un modèle soi-disant idyllique qui perd ici de sa superbe.
Le directeur de l’abattoir, Laurent Kauffmann, contacté par Le Monde semble reconnaître la faute professionnelle tout en insistant sur l’agrément de son établissement et sur son contrôle régulier. Des contrôles qui visiblement n’évitent pas les dérives.
Pour décrypter ces images et ce qui se cache derrière l’abattage industriel, nous avons interrogé Brigitte Gothière, l’une des portes-paroles de l’association L214.
Konbini | Quelle est la différence entre un abattoir certifié bio et un abattoir standard ?
Brigitte Gothière | On voit qu’il n’y en a pas ! Normalement, l’abattoir certifié bio reçoit des animaux élevés de manière biologique, ensuite vendus sous le label “AB”. Mais rien ne les différencie au niveau des conditions d’abattage des animaux.
Comment être donc sûr que l’on mange un animal qui n’a pas souffert ?
On peut être sûr que l’on mange un animal qui a souffert. Il n’y a pas d’exception. L’étourdissement qui est censé être pratiqué avant l’abattage, ce n’est pas un mouchoir de chloroforme que l’on applique sur les museaux des animaux.
Il s’agit d’étourdissements violents par tige perforante dans le cerveau, par électronarcose ou par gaz qui provoque l’asphyxie. C’est le choix entre la peste et le choléra : il n’y a pas de méthode douce. En fait, on a besoin qu’ils soient vivants quand ils se vident de leur sang, pour des raisons d’hygiène et de rapidité.
Y a-t-il une législation qui encadre ce type de traitement ?
La législation aurait dû empêcher le fait que les employés balancent les moutons et leur mette des coups de pince à électronarcose, le fait que les animaux reprennent conscience, le fait que la pince soit appliquée longtemps… Il y a tout un tas de trucs dans la vidéo que la législation, en théorie, interdit [relativement à l’encadrement européen du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort].
Que devient l’abattoir d’Alès, dont vous dénonciez la cruauté il y a quelques mois ?
On sait qu’il a rouvert, mais qu’il n’abat plus des chevaux. Il me semble qu’ils ont perdu l’agrément pour abattre sans étourdissement. Mais on nous a refusé l’accès pour aller voir par nous-même. Le procureur de la République a ouvert une enquête, c’est en cours d’instruction. Et je viens d’apprendre que c’est la même chose pour Le Vigan.
Qu’est-ce que l’on peut faire, en tant que consommateur, pour réagir à ce type d’affaires ?
Ne pas manger d’animaux car on ne peut à aucun moment savoir comment ils ont été abattus. Et à chaque fois que l’on a accès à des images, ce sont celles de ce type. Si vous n’y parvenez pas, essayer au moins de réduire votre consommation de viande. Il faut aussi continuer de s’informer et oser se lancer !
Il faut avoir à l’esprit comment ça se passe pour s’encourager à prendre des décisions. C’est un conditionnement que l’on a. Moi j’ai mangé de la viande pendant vingt ans parce que je n’avais pas percuté ce qu’il se passait pour les animaux. Mais une fois que l’on a cela à l’esprit, c’est facile de se motiver.