Six musiciennes transsexuelles indiennes reprennent le fameux tube “Happy” de Pharrell Williams à la sauce bollywoodienne pour dénoncer les discriminations subies par cette communauté.
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Sonorités orientales, danses traditionnelles indiennes, un peu d’humour (la première scène) et surtout des décors et des costumes très colorés… Pas de doute il s’agit bien d’un clip à la sauce bollywoodienne. Mais ce qui fait la particularité du clip “Hum Hai Happy”, relayé en France par Têtu, c’est le groupe qui s’est décidé à remasteriser la – déjà très reprise – chanson “Happy” de Pharrell Williams. Et on peut dire qu’ils ont réussi à en faire quelque chose de nouveau.
Le Brooke Bond Red Label 6 Pack Band, ou plus simplement le 6-Pack, réunit ainsi six musiciennes transsexuelles qui n’hésitent pas à chanter en “hinglish” qu’elles sont heureuses, tout en rappelant qu’en Inde, cette minorité est encore l’objet d’énormément de discriminations.
Dans ce clip produit par Y-Films, branche de Yash Raj Films tournée vers la “culture jeune”, apparaissent également Sonu Nigam, véritable star de la chanson indienne, ainsi que Anushka Sharma, mannequin et actrice populaire qui, en voix off, résume le quotidien de cette communauté appelée hijras :
“Le troisième genre. Ignoré par la plupart des gens, tolérés par certains, incompris par tous. En Inde, les hijras forment une communauté pratiquement en exil. Elles se tiennent debout à côté des feux de circulation, après avoir échoué à se fondre dans la masse, cognant à nos vitres, dans l’espoir d’un peu de gentillesse et, peut être, d’un sourire. Mais quand elles n’obtiennent ni l’un ni l’autre, elles gardent la tête haute, et trouvent toujours le moyen d’être simplement… heureuses.”
La communauté hijra en Inde
Depuis quelque temps, les droits LBGT se sont considérablement améliorés en Inde. En 2009, la Haute Cour de Delhi décriminalisait l’homosexualité. En 2014, la communauté transsexuelle gagnait une reconnaissance officielle en Inde avec la mise en place d’un troisième genre et la possibilité de cocher la case “T” et non plus seulement “F” ou “M” sur les documents officiels. Une distinction très peu répandue à travers le monde.
La même année, Padmini Prakash devenait la première présentatrice trans en Inde. Et, pas plus tard que la semaine dernière, Madhu Kinnar est devenue, à 35 ans, la première maire transsexuelle en étant élue à la tête de Raigarh, une ville de plus de 150 000 habitants.
Autant dire que l’état des lieux est loin d’être catastrophique, par rapport à de nombreux pays. Il faut dire les hijras ont un statut bien particulier en Inde qui remonte à une ancienne tradition hindoue selon laquelle elles doivent sacrifier leur vie sexuelle afin de privilégier leur vie spirituelle. Elles sont ainsi à la fois une bénédiction car leur castration leur confère un pouvoir de fertilité, mais aussi une malédiction car elles seraient capables de jeter le “mauvais œil”.
Eunuques pour certains, travestis pour d’autres, ou encore trans ou hermaphrodites : le terme hijra est difficilement traduisible et témoigne de la diversité actuelle des membres de cette communauté. Shashi Bhushan, défenseur des droits LGBT en Inde résume pour Slate : “Elles ont un corps d’homme mais une âme féminine”.
Malgré cette tradition qui se perpétue, les hijras sont nombreuses à vivre en marge de la société indienne, et sont souvent contraintes à la prostitution, la mendicité ou des emplois précaires pour survivre, explique le Monde. C’est pourquoi ce genre de vidéo va vous rendre “happy”, parce qu’il permet de dénoncer des injustices tout en partageant un message d’espoir véhiculé par la bonne humeur communicative des musiciennes.