NQNTMQMQMB ?!
Contrairement à de nombreux artistes, Vald s’est intéressé tardivement au rap et à la musique en général. Il découvre le hip-hop presque par hasard :
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J’écoutais rien avant, je suis pas d’une famille qui écoute de la musique. J’avais mon frère qui écoutait un peu de rock, des trucs un peu hardcore, mais c’est tout. Je suis tombé sur des clips de rap pendant une grande soirée de galère, j’ai découvert ça et j’étais comme un fou. Mais j’étais déjà vieux, j’avais quatorze, quinze ans ! J’ai commencé le rap deux ou trois ans après. J’aurais aimé commencer le rap à douze ans, putain.
C’est dans sa chambre avec les moyens du bord que Vald enregistre alors sa première mixtape, au nom le plus WTF de la galaxie : NQNTMQMQMB. Les délires d’un adulescent largué par l’absurdité de son époque, obsédé par la musique, le shit, le porno et Ytzhak Rabin. Entre faces B et clips très homemade, le projet fleure bon l’amateurisme et la débrouillardise. L’imagerie est sulfureuse, l’humour caustique, plaçant Vald en lointain cousin de Tyler, the Creator et d’un jeune Eminem.
Le projet part un peu dans tous les sens, mêlant morceaux boom-bap, freestyles à l’arrache et interludes hilarants. Quant au choix du titre, Vald préfère laisser planer le mystère :
Ça veut dire quelque chose qui est plus ou moins compréhensible mais j’aime bien laisser un suspense. Y’en a qui pensent savoir ce que ça veut dire, ils y croient dur comme fer ! Mais en vrai la définition ne m’appartient même plus, c’est comme Star Wars, ça n’appartient plus au producteur, ça appartient aux fans maintenant.
C’est l’un des titres de la mixtape, “Smiley” (vidéo ci-dessus), qui a attiré l’oreille de la maison de disques Barclay et permis au rappeur d’Aulnay-sous-Bois de signer un contrat en juin dernier.
“Du divertissement qui ne se fout pas de la gueule des gens”
Du fait de sa découverte tardive, Vald revendique une culture rap plutôt maigre. Il évite de parler d’influences, préférant citer des artistes qui l’inspirent comme Lil Wayne, dont il loue la “productivité” et la méthode de travail :
J’ai déjà enregistré trois ou quatre morceaux comme lui [Lil Wayne n’écrit pas ses textes, il compose ses morceaux à l’instinct et à l’oreille, ndlr]. C’est plus spontané, je sais que ça a été fait un peu en rigolant. A l’écoute, je revis le moment où j’ai rigolé en l’enregistrant tout seul comme un golmon !
Vald est une éponge. Il entretient un rapport à la fois instinctif et distant avec ses sources d’inspiration. Ses textes sont bourrés de références qui font le bonheur de ceux qui réalisent ses clips. Pourtant, il se trouve souvent incapable de citer d’où viennent ses clins d’œil :
Je suis vraiment content et satisfait de tous mes clips, ce sont des délires particuliers qui peuvent perdurer dans le temps. Je regarde beaucoup de films mais je ne retiens aucun nom de réalisateur, d’acteur… Je suis un mauvais fan, un mauvais amateur de films. C’est surtout mon phrasé qui est très imagé et qui pousse les gars qui m’entourent à m’amener des réalisateurs qui savent de quoi ils parlent.
Quand on compare son univers à l’humour noir d’Albert Dupontel, il prétend ne pas connaître l’humoriste et réalisateur français. Mais lorsqu’on cite Bernie, il s’illumine :
Bernie ? Mais c’est génial ce film ! Celui où il est dans la maison, un moment il coupe une main à quelqu’un ? Où il a un journal perso et tout ? Incroyable, génial, trop mortel ! Tu vois je retiens pas les blazes. Totalement d’accord, j’aime bien la comparaison.
Difficile, dans de telles conditions, d’étiqueter le rap de Vald. Mais s’il doit lui-même décrire sa musique, il la compare à… un film porno :
C’est du très bon divertissement qui ne se fout pas de la gueule du monde. C’est comme si c’était un Brazzers [site de films porno en haute définition, ndlr]. On sait que c’est du gonzo, l’histoire est pas poussée, mais y’a quand même une ou deux minutes d’histoire, des lumières, c’est bien filmé… C’est pas juste un truc amateur.
“Quand je fais des morceaux, j’ai l’impression de m’accomplir”
Avec NQNT (Ni Queue Ni Tête), Vald l’autodidacte passe des morceaux enregistrés à l’arrache et des clips faits maison à un son propre, en studio, et à des vidéos en haute résolution. Il en profite pour incorporer de nombreuses instrus dirty south, impossibles à produire en amateur :
C’est une chance de passer du fait maison un peu bric-à-brac où tu peux pas monter le son, à un truc vraiment rap. J’aurais bien aimé rentrer les interludes mais ça aurait fait 16 tracks pour un EP, c’était complexe. Question logistique.
Têtu, il apprend aussi à travailler en équipe :
On a vraiment des goûts divers et variés. Tefa, Tunisiano, Bachir et Merkus [ancien manager de Sniper, ndlr]. C’est pas la guerre, c’est une douce guerre, on s’apprécie tous mais on a toujours des débats.
En fait à lui parler, on découvre un mec plutôt bosseur et déterminé, loin de l’image de branleur attachée à sa persona – mais tout aussi torturé :
En fait j’ai jamais été comme ça, de manière générale je suis travailleur. Je culpabilise énormément de ne pas faire quelque chose de ma vie. Quand je fais des morceaux, j’ai l’impression de m’accomplir, tu vois. Les rares moments où je vais béton et aligner les sites de uc, je culpabilise de ouf. Mais ça m’arrive très rarement, c’est une torture pour moi. D’ailleurs le morceau “Branleur” [sorti sur NQNTMQMQMB, ndlr] c’est un morceau sérieux et tragique.
Article publié le 13 novembre 2014, mis à jour le 15 juillet 2015