Les Américaines de 16 à 24 ans ont été bien moins nombreuses à s’épiler les aisselles en 2016 qu’en 2015. Un joli progrès, qui montre que les combats féministes, notamment menés sur Instagram, portent leurs fruits.
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Une étude de l’agence Mintel montre que certaines choses bougent en matière de lutte contre le sexisme. Si, en 2013, 95 % des femmes entre 16 et 24 ans disaient enlever les poils de leurs aisselles, elles n’étaient plus que 77 % en 2016. Et elles étaient 92 % à se raser les jambes en 2013, contre 85 % l’année dernière. Ces chiffres sont confirmés par les ventes de rasoirs et de produits d’épilation aux États-Unis, qui ont baissé de 5 % entre 2015 et 2016. La directrice associée du département de la beauté et des soins chez Mintel a ainsi expliqué au Telegraph que les femmes étaient influencées par le “mouvement du bien-être”, et que des produits comme la crème dépilatoire et la mousse à raser étaient vus comme mauvais pour la peau, amenant les femmes à se tourner vers des produits de beauté naturels :
“Manger sain est derrière certains de ces changements. Elles ont peur d’irriter leur peau avec ces produits.”
Les jeunes Américaines sont ainsi 53 % à n’utiliser que des produits avec des ingrédients naturels, arrêtant de se raser pour préférer s’épiler avec des produits moins agressifs. Parallèlement à cette baisse de l’épilation, les femmes prendraient donc plus soin de leur peau : “29 % disent qu’elles ajoutent des étapes à leur routine de soins.”
Un combat féministe qui porte ses fruits
Surtout, la directrice remarque “un rejet des injonctions sociales sur l’apparence souhaitée des femmes”, soit un refus éminemment féministe de se raser ou de s’épiler. La discussion sur les poils des femmes s’est clairement décomplexée aux États-Unis depuis quelques années. Mic rappelle par exemple le travail de la série Girls, qui a montré pendant cinq ans des corps plus réalistes – avec des poils pubiens. Des images également présentes dans Broad City, et que les femmes se sont attachées à diffuser sur Instagram.
Mais ce serait essentiellement les réseaux sociaux qui auraient permis de nouvelles représentations des corps féminins tels qu’ils sont vraiment, loin des images lisses et stéréotypées des magazines féminins ou de mode. Pour Mic, le tabou des poils pubiens a été levé en 2013, quand la photographe Petra Collins a posté l’image d’une femme en culotte, avec ses poils qui dépassaient. Instagram l’ayant censurée, elle l’a repostée sur Twitter. D’autres cas similaires ont fait polémique, permettant de discuter du poids de la norme de l’épilation, de la peau lisse. Ashley Armitage milite, par exemple, via son compte Instagram Ladyist en postant des portraits de femmes “normales”, donc ayant parfois les aisselles et l’entrejambe poilus. Une façon de répéter que contrairement aux idées reçues, les poils n’ont rien d’anti-féminin, d’anti-sexy ou de sales.
La photographe a expliqué à Mic que si l’on pouvait penser qu’il s’agissait d’un “groupe de filles sur les réseaux sociaux qui luttaient pour l’acceptation des poils”, elles luttaient en fait plus globalement pour avoir le “droit de choisir” :
“C’est surtout un combat pour que les filles puissent choisir. Tu veux te raser ? Super ! Tu veux les faire pousser ? Super ! Fais ce que tu préfères, le choix t’appartient.”
De l’importance des images
Ses photos ont eu leur lot de commentaires désobligeants, mais elles ont également suscité des prises de conscience. Certaines personnes ont expliqué à Ashley Armitage que la première fois qu’elles avaient vu ses clichés de poils, elles les avaient trouvés dégoûtants, mais qu’en les revoyant, elles avaient commencé à s’y habituer, pour finalement trouver ces photos complètement naturelles et ne plus avoir de mal à les regarder. C’est là toute l’importance de ces images, qui proposent une alternative aux stéréotypes sexistes imposant des corps de femmes “parfaits”. À force de représenter d’autres corps et de dire qu’ils sont “normaux”, le message finit par passer.
D’autant plus quand les célébrités véhiculant habituellement ces injonctions sociales (actrices, chanteuses…) se font les ambassadrices de ce mouvement de libération des corps féminins. Dans un autre article, Mic cite en effet Adèle qui, lorsque Vanity Fair lui a demandé si son copain avait un problème avec le fait qu’elle ne se rasait pas les jambes, a répondu :
“Je ne laisserai aucun homme me dire de raser mes putains de jambes, rasez les vôtres !”
Il y a aussi Miley Cyrus, qui a plusieurs fois laissé ses aisselles au naturel et ne les a pas cachées, ni sur Instagram ni sur scène.
Enfin, les médias des millennials sont plusieurs à mener le combat et à diffuser des vidéos les relayant. Au lieu d’être épilés ou cachés, les poils pubiens ont même désormais droit à des produits de beauté spécifiques, et ceux des aisselles à des colorations. Comme l’instagrameuse Caroluna, elles sont beaucoup d’Américaines à exprimer leur soulagement :
“J’ai enfin appris à aimer toutes ces aspects de moi que j’ai gâché tellement de temps à détester.”
Et les Françaises dans tout ça ?
En France, le mouvement de libération des poils est plus timide. L’année dernière, Le Monde parlait d’une “guerre du poil”, rapportant que 92 % des Françaises s’épilaient, sous peine de subir “pas mal de regards obliques”. La faute à un “marketing de la honte”, ou encore à l’industrie du porno.
Mais ici aussi, les réseaux sociaux permettent de fédérer autour d’un message libérateur : “#LesPrincessesOntDesPoils” sur Twitter. Lancé par une ado de 16 ans après avoir été stigmatisée au lycée parce qu’elle ne s’épilait pas, ce hashtag rassemble autour de photos de corps féminins poilus depuis quasiment un an. Une mobilisation à suivre, donc.