Six mois après sa fermeture, le compte Twitter Politwoops, qui répertoriait et conservait les tweets supprimés par les politiciens, est de nouveau actif.
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Jean-Marie Le Pen, Nadine Morano et les autres professionnels du dérapage en 140 signes vont se remettre à trembler. Six mois après sa fermeture, l’outil Politwoops de Twitter, cimetière des déclarations tapageuses supprimées dans un sursaut de culpabilité par les politiciens du monde entier, a été réactivé par le réseau social le 31 décembre dernier.
En juin 2015, Twitter, invoquant à l’époque le droit à l’oubli, avait déclaré que l’existence d’un tel service (géré par l’Open State Foundation et la Sunlight Foundation, deux organismes qui œuvrent pour la transparence politique) violait “l’accord” liant le réseau social et les développeurs. Mais, en octobre, son PDG, Jack Dorsey, amorçait un changement de politique, expliquant que son entreprise avait “la responsabilité d’accompagner les associations qui apportent plus de transparence dans le débat public, comme Politwoops le faisait”, rapporte le site Le Monde Informatique.
Un mea culpa tardif mais efficace dont s’est félicité le directeur de l’Open State Foundation, Arjan El Fassed, cité par Twitter aux côtés d’autres responsables associatifs comme Jenn Topper (Sunlight Foundation) et Brett Solomon (Access Now). Lancé en 2010, Politwoops était avant sa fermeture présent dans une trentaine de pays.
Un jeu d’équilibriste entre transparence et droit à l’oubli
La réouverture de Politwoops est objectivement une bonne nouvelle pour tout le monde, excepté les excités du tweet de la classe politique. La mobilisation qui suivit sa fermeture et cette récente réouverture résument le jeu d’équilibriste auquel sont contraintes les grandes entreprises du Web, coincées entre un impératif de transparence, réclamé à grands cris par nombre d’organisations, et le droit à l’oubli pour les citoyens, autre concept défendu par le secteur associatif.
La décision à prendre est la suivante : la parole politicienne doit-elle être considérée comme un contenu personnel (et bénéficier, comme celle de n’importe quel citoyen, du droit à l’oubli) ou comme un propos d’intérêt public devant rester accessible à quiconque souhaite en prendre connaissance ?
En août dernier, rapporte Télérama, c’est exactement cette question que soulevait Twitter dans sa lettre à l’Open State Foundation pour justifier l’arrêt du service Politwoops :
“Imaginez comme ce serait stressant, voire terrifiant, si tweeter était quelque chose d’irrévocable. Aucun utilisateur ne mérite cette capacité plus qu’un autre. La suppression d’un tweet est en effet l’expression d’un choix de l’utilisateur.”
Un homme politique qui tweete serait donc, pour Twitter, un utilisateur comme les autres ? Arjan El Fassed rétorquait, lui, que “ce que les politiciens disent publiquement est d’intérêt public. […] Même lorsque les tweets sont supprimés, il s’agit de l’histoire parlementaire.” Aujourd’hui, Twitter semble avoir également choisi le camp de ceux qui préfèrent faire deux poids deux mesures entre paroles politique et citoyenne… même si les termes de l’accord entre le réseau social et les associations n’ont pas été dévoilés.
Reste donc à voir ce que Politwoops pourra se permettre de publier, et quelle sera la marge de manœuvre des politiciens épinglés. Espérons néanmoins que le service autorise la publication d’articles similaires à celui du Monde, qui recensait en 2014 tous les tweets publiés depuis 2011 et effacés par Manuel Valls lors de sa prise de fonctions. Ou, plus simplement, qu’il nous exhume ce genre de truc :