Stephen Shore, on connaît bien […]. La nouveauté ici, c’est qu’il n’y avait jamais eu de grande rétrospective de son œuvre, c’est la première. Souvent, on fait commencer sa carrière aux années 70 ; mais cette exposition va permettre de faire remonter son travail dès les années 60, à l’époque où il était très proche de la Factory et d’Andy Warhol.
Il a ensuite été proche des mouvements conceptuels, du land art. Les dix premières années de sa carrière, il a plutôt pris des photos en noir et blanc. Remettre cet artiste dans ce contexte de l’art américain des années 60, ça va permettre de comprendre beaucoup mieux son travail en couleur des années 70. Sa série mythique, Uncommon Places, sera présentée de manière complète. Ce qui change donc, c’est l’exhaustivité : si vous venez voir Stephen Shore, vous aurez tout vu.
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Retour à travers quatre clichés sur l’évolution de l’art de Stephen Shore.
1965 – 1967 : l’époque Andy Warhol
J’ai fréquenté des artistes qui prenaient des décisions encore et encore, qui expérimentaient. Cela a été mon apprentissage esthétique.
American Surfaces, un journal intime photographique
L’apogée, avec Uncommon Places
Un grand portraitiste, à contre-courant
C’était mon beau-père dans sa cuisine. Je dirais ça à propos de portraits en général que je trouve très intéressants : nous lisons les expressions faciales et signaux auxquels nous sommes culturellement sensibles comme des émotions particulières. Il y a aussi un autre problème : les expressions faciales changent avec le temps et, lorsqu’elles sont ôtées de leur durée comme dans la photographie, leur sens véritable peut changer. […]
D’un côté, il y a quelque chose de profondément fictif sur le portrait, mais aussi la possibilité d’avoir un aperçu de la compréhension des gens. Je trouve également que la photo communique quelque chose sur son état d’esprit. Et c’est là que réside l’énigme du portrait.
De cette définition presque proustienne, on retiendra l’amour de Stephen Shore pour le réalisme, pour l’envie de faire de la photographie une vision plus que réaliste du monde. Toujours à contre-courant, l’homme reviendra au noir et blanc dans les années 90, une fois la couleur démocratisée dans le monde de la photo d’art.
Stephen Shore, 67 ans, navigue entre l’Ukraine et la Palestine, quand il n’utilise pas son compte Instagram de manière compulsive. Lorsque Libération lui demande s’il estime avoir appartenu à l’âge d’or de la photographie, l’artiste répond :
Pas spécialement, dans la mesure où je préfère voir dans ce médium une capacité permanente à se réinventer. Tenez [il se lève et, avec son smartphone, photographie en plongée un bout de plastique par terre, au milieu de brindilles, avec la pointe de ses chaussures qui apparaît dans le cadre], prenez toutes ces images comme celle-ci qu’on voit sur Instagram et confrontez-les avec celles de Lee Friedlander qui, dans les années 60, photographiait les paysages américains depuis la vitre ouverte de sa voiture, en laissant apparaître le rétroviseur : quelle différence au fond ? Peut-être certains sont-ils juste plus en avance que d’autres sur leur époque, tout simplement.
“Plus en avance que d’autres sur leur époque“, voilà le talent de Stephen Shore résumé en quelques mots. Sa rétrospective sera aux Rencontres d’Arles jusqu’au 20 septembre.