Près de 2 000 personnes vont être embauchées par les services secrets britanniques pour organiser l’espionnage et le contre-espionnage sur Internet, un champ de bataille plus que jamais décisif.
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Alex Younger, le chef des services secrets britanniques ne s’exprime pas souvent, et il n’y a pas grand mystère à cela. Or si le patron des renseignements d’outre-Manche a pris la parole dans une conférence conjointe avec le chef de la CIA, John Brennan, le 20 septembre, c’est (presque) pour passer une petite annonce : le MI6, chargé de la sécurité extérieure du Royaume-Uni, compte recrute 1 000 personnes d’ici 2020, pour faire passer le nombre de ses employés de 2 500 à près de 3 500. C’est 40 % d’effectifs supplémentaires, sa plus forte expansion depuis la Guerre froide, comme le signalent les médias anglais.
Côté sécurité intérieure, le MI5 et le Government Communications Headquarters (GCHQ, “Service de surveillance des communications”) va également procéder à l’embauche d’environ 900 personnes. Près de 2 000 personnes vont ainsi être enrôlées afin de scruter les réseaux au service de sa majesté.
Younger, pour le MI6 : “Nous ne pouvons pas défendre nos valeurs tout en les sapant. Nous allons nous concentrer sur le recrutement d’officiers avec un fort sens de l’éthique”
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Ces recrutements vont s’opérer pour répondre à l’évolution rapide de la technologie digitale. Eh oui, le travail du MI6 n’a jamais aussi peu ressemblé au fantasme véhiculé par les James Bond que depuis l’explosion d’Internet. Comme le résume Le Monde, conserver une fausse identité, condition sine qua non à une bonne couverture, n’a jamais été aussi compliqué – notamment à cause des techniques de reconnaissance faciale, désormais hautement performantes.
Le quotidien rappelle le scandale du Dubaïgate en 2010, qui avait vu des agents du Mossad (les services secrets israéliens) se faire démasquer après l’assassinat d’un militant palestinien proche du Hamas, à Dubaï.
“Deux sortes de services secrets”
Dans son son discours à Washington sur les grandes orientations des services britanniques, Alex Younger a affirmé que les services secrets ne survivront que grâce à une surveillance de pointe sur le champ de bataille numérique :
“La révolution de l’information a fondamentalement changé notre environnement d’opération. Dans cinq ans, il y aura deux sortes de services secrets : ceux qui comprennent ce fait et agissent en conséquence, et ceux qui ne le comprennent pas et échoueront. Je suis déterminé à ce que le MI6 se classe dans la première catégorie.”
Le chef des services secrets a insisté sur le potentiel du GCHQ, “qui, en partenariat avec la National Security Agency (NSA) des États-Unis, est responsable de la plus grande collecte de données à travers le suivi des appels téléphoniques, des courriels, des centres de chat et autres communications”. Alex Younger ne nous l’apprend guère, l’espionnage en ligne est omniprésent, et il constitue un enjeu pris très au sérieux par les gouvernements. Mais également par les forces qu’ils combattent. Younger poursuit :
“Nos adversaires, qui agissent sans contrainte légale ou de proportionnalité, peuvent utiliser [les outils numériques] pour améliorer leur connaissance de nos activités, ce qui signifie que nous devons complètement changer la façon dont nous faisons les choses.”
Le cas Snowden, “hautement problématique”
Il ajoute que l’affaire Snowden, qui a révélé au grand public les écoutes massives opérées par la NSA et ses partenaires grâce aux géants d’Internet, a fait beaucoup de mal à la confiance que les populations, mais aussi les entreprises, portent en leurs services secrets.
Alors qu’Edward Snowden, réfugié en Russie, attend une grâce qui ne vient pas, Alex Younger estime que ses révélations ont “fait du tort et affaibli la confiance qui doit exister” entre les agences et les sociétés du Web, concluant même que c’est “hautement problématique”. Concernant les profils embauchés, le MI5 et le MI6 risquent d’être tatillons sur la confidentialité que requiert l’accès à leurs informations.