Pour réveiller une opinion aveugle aux naufrages d’embarcations de réfugiés, un artiste les expose en grand sur les bords de Seine.
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Le radeau de Lampéduse. Depuis hier, une bâche détonne sur les quais de la Seine, près de Saint-Michel. Ce n’est pas une de ces publicités géantes dressées pour cacher d’interminables travaux. C’est un naufrage. L’artiste Pierre Delavie s’est associé au Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants (BAAM) pour réaliser cette installation à l’attention de tous les Parisiens qui, bien éloignés de la Méditerranée, oublient les drames quotidiens dont elle est le triste théâtre.
La photo imprimée sur la bâche a été prise au mois de mai 2016 lors du naufrage d’une embarcation chargée de réfugiés venus de Libye. Arrivés sur place en catastrophe, les garde-côtes n’avaient pu empêcher la mort de 7 d’entre eux, sauvant les autres in extremis. Ce drame était alors comme trop souvent tombé dans l’oubli, ce contre quoi Pierre Delavie tient aujourd’hui à lutter en l’exposant à la face de la capitale française.
Le nom de l’opération, “Le radeau de Lampéduse”, tient d’un jeu de mots morbide, mais lourd de sens. Lampedusa, du nom de cette île italienne tristement célèbre dont les plages accueillent chaque jour la misère du monde par vagues ininterrompues. Et le “radeau de la Méduse”, interminable périple de 147 naufragés sur un radeau de fortune, en 1816 (peint par Théodore Géricault). “C’est arrivé il y a 200 ans“, explique Pierre Delavie à Mashable FR. “Ce drame a secoué toute la population, qui s’est sentie concernée, cela a créé un vrai débat de société. Aujourd’hui, on est dans l’indifférence.”
En regardant de plus près, un détail frappe. “J’y ai rajouté des photos, des portraits de Parisiens pris au hasard, comme s’ils étaient des réfugiés en détresse eux aussi”, décrit-il. “Pour rappeler à tout le monde que eux, c’est aussi nous.”
Un message qui peine à se faire entendre dans une campagne présidentielle où le rejet de l’autre est devenu une assurance électorale. Fermer les voies d’immigration, c’est encourager les traversées clandestines. Traversées mortelles : en 2016, plus de 5 000 réfugiés n’ont pas survécu à la Méditerranée.