A Prague, une association du nom de Wifi4Life vient d’équiper un SDF d’un routeur WiFi et d’un port USB. Son rôle : fournir un accès Internet aux passants et aux touristes.
Imaginez la scène. Un local, ou un touriste, marche tranquillement sur un trottoir de Prague, capitale de la République tchèque. Il s’arrête, tout près d’un SDF. Téléphone en main, il profite de la proximité du sans-abri pour se connecter à Internet, consulter ses mails, scruter les likes que son dernier post Facebook a générés.
Le SDF, lui, reste dans son plus profond anonymat, collé au trottoir. L’unique intérêt qui lui est porté : la borne WiFi dont il est équipé. D’une autonomie de 6 heures et d’une portée de 20 mètres de distance, elle peut supporter 10 connexions simultanées. Imaginez une nouvelle fois : un sans-abri, en pleine rue, entouré dans un rayon de 20 mètres de 10 personnes qui ne sont là que pour profiter de la connexion qu’il leur offre. Et pour le reconnaître, c’est simple : il arbore un t-shirt “Wifi4Life”, qui indique qu’il est équipé d’un routeur 3G TP-LINK.
Difficile de ne pas se prendre la tête entre les mains en découvrant que cette triste scène est aujourd’hui plausible. A Prague, une association du nom de WiFi4Life a eu l’élégante idée de transformer des SDF en borne WiFi avec, en option, un port USB pour recharger les batteries des téléphones passants. Comme le raconte Numerama, tout est parti d’une campagne de financement participatif sur Indiegogo en août dernier. Le but de l’asso : réunir 5500 euros pour “venir en aide aux SDF” en les équipant de routeurs WiFi pour faciliter l’accès à Internet aux locaux et aux touristes.
Ou, en d’autres termes : une effronterie inconsciente basée sur une exploitation de la pauvreté assumée dont le but est de contenter une classe forcément plus riche. Pas étonnant de constater, mi-octobre, le flop de cette campagne de levée de fonds, avec 338 euros récoltés. Malgré cet échec, les membres de l’association ont mis la main à la poche pour aujourd’hui donner naissance à leur valeureux projet.
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“Ils sont déjà dans la rue et n’ont rien à faire”
En échange du service rendu, et si les sans-abris “prouvent qu’ils peuvent respecter des horaires, se réveiller, rester sobres, et travailler huit heures par jour, [le] projet leur fournira la valeur d’une recommandation pour leur employeur potentiel“, comme l’annonce sereinement la vidéo qui présente le projet. Oui, vous avez bien lu : une simple recommandation pour un employeur potentiel.
Lubos Bolececk, membre de l’association, précise que le SDF “reçoit aussi de l’argent de la part des gens qui utilisent son WiFi“. Evidemment. De l’argent que les usagers ne sont pas obligés de verser : le service est gratuit ; seule la bienveillance de ces derniers, à coups de pourboires, peut servir de rémunération.
Les têtes bien pensantes du projet vont plus loin : nourriture, boisson sans alcool, vêtements, toit… autant de promesses de dons pour les sans-abri qui se prêteront au jeu. Mais, comment la borne WiFi humaine peut-elle recevoir un toit si son nouveau “job” la pousse à rester dans la rue ?
Enfin, pour justifier leur action, une citation des plus maladroites, provenant du même homme, lors d’une interview accordée à la chaîne russe RT :
Nous avons choisi des SDF parce qu’ils sont déjà dans la rue et que la plupart du temps ils n’ont rien à faire. Et nous voulons qu’ils commencent à travailler.
Bien. D’ici 2016, plusieurs SDF devraient devenir des bornes WiFi, le projet ayant attiré l’attention de la ville qui serait intéressée pour le subventionner.
Pas une première
Cette initiative n’est pas une première. Du 9 au 18 mars 2012, à Austin au Texas, une opération “WiFi sans-abri” avait été lancée lors du SXSW, festival réputé de musique, cinéma et nouvelles technologies.
Derrière cette idée géniale : l’agence de publicité et de communication BBH New York, qui avait donc équipé plusieurs SDF de bornes WiFi, laissant la liberté aux usagers de rémunérer ou non les sans-abris selon leur bonne ou mauvaise volonté. Et leur conseillant tout de même de débourser deux petits dollars pour 15 minutes de connexion.
Un autre projet similaire et encore plus controversé avait été lancé en 2005 par l’agence de pub Bumvertising. A sa tête, un jeune entrepreneur américain qui proposait à des SDF de brandir des pancartes publicitaires, contre rémunération.